L’exploitation durable des ressources naturelles : Le défi de la gouvernance
TOUJOURS QU’UNE SEULE TERRE : Les leçons de 50 ans de politique de développement durable des Nations Unies
La surexploitation des ressources naturelles nuit à la santé des écosystèmes et au bien-être des populations. Face aux crises environnementales et aux inégalités croissantes, nous devons agir, notamment en élaborant une législation sur la responsabilité élargie des producteurs et la chaîne d'approvisionnement, en garantissant des marchés publics écologiques, en soutenant l'innovation technique pour améliorer la circularité des ressources et en adoptant des processus décisionnels qui incluent et respectent les femmes, les peuples autochtones et les communautés locales. (Télécharger PDF) (Lire les notes de synthèse de Toujours Qu'Une Seule Terre)
Les ressources naturelles sont essentielles au bien-être humain. Nous ne pouvons pas vivre sans l’air pur que nous respirons, les plantes que nous mangeons ou l’eau que nous buvons. Nous avons besoin de ressources naturelles pour mettre des toits au-dessus de nos têtes et chauffer nos maisons. Nous en avons besoin pour survivre et prospérer.
Le concept de ressources naturelles fait référence aux éléments naturels et ceux non vivants du système terrestre, y compris les plantes, les poissons et les champignons, mais aussi l’eau, le sol et les minéraux. Une manière importante de penser les ressources naturelles est de les considérer en termes de risque d’épuisement : se régénèrent-elles et, si oui, à quel rythme ? Certaines ressources, comme les arbres et les plantes, sont renouvelables car elles se régénèrent relativement rapidement. D’autres, comme le cuivre et le pétrole, prennent beaucoup plus de temps à se former et sont considérés comme non renouvelables.
Ensemble, les ressources naturelles forment un réseau dense d’interdépendance, formant des écosystèmes qui englobent également les êtres humains. À ce titre, la répartition des ressources façonne le visage de notre planète et la spécificité locale de nos environnements. Les gens ont noué, avec l’environnement naturel, différents types de relations culturelles, spirituelles et de subsistance, adoptant des systèmes de valeurs qui vont au-delà des cadres économiques.
La nature rend le développement humain possible, mais notre demande incessante pour les ressources de la terre accélère les taux d’extinction et ravage les écosystèmes du monde.
L’exploitation des ressources naturelles a longtemps été considérée comme un élément, à la fois, des droits de l’homme et du développement économique, chose qui a conduit l’Organisation des Nations Unies, dans ses travaux sur l’avancement de la décolonisation menés dans les années 1960, à déclarer que « [l]e droit des peuples et des nations à une souveraineté permanente sur leurs richesses et leurs ressources naturelles doit être exercé dans l’intérêt de leur développement national et du bien-être de la population de l’État concerné» (Résolution 1803 (XVII) de l’Assemblée générale des Nations Unies).
Les ressources naturelles sont souvent considérées comme des actifs essentiels qui stimulent le développement et la création de richesses. Au fil du temps et avec la progression de l’industrialisation, l’exploitation des ressources a augmenté. Dans certains cas, les niveaux d’exploitation ont dépassé les taux de régénération naturelle des ressources. Une telle surexploitation menace en fin de compte les moyens de subsistance et le bien-être des personnes qui dépendent de ces ressources, et met en péril la santé des écosystèmes. Ce risque d’épuisement des ressources, qui se manifeste notamment sous la forme d’effondrements des pêcheries, démontre la nécessité de réguler l’exploitation des ressources naturelles de manière à mieux préserver les ressources et leurs écosystèmes. La toute première conférence des Nations Unies sur les questions environnementales, la Conférence des Nations Unies sur l’environnement humain de 1972 tenue à Stockholm, en Suède, a adopté des principes fondamentaux à cet égard.
Déclaration de Stockholm
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Principe 2 : «Les ressources naturelles de la Terre, y compris l’air, l’eau, la terre, la flore et la faune et en particulier les échantillons représentatifs des écosystèmes naturels, doivent être sauvegardées au profit des générations présentes et futures grâce à une planification ou une gestion minutieuse, selon le cas».
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Principe 3 : «La capacité de la Terre à produire des ressources renouvelables vitales doit être maintenue et, dans la mesure du possible, restaurée ou améliorée».
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Principe 5 : «Les ressources non renouvelables de la Terre doivent être utilisées de manière à se prémunir contre le danger de leur épuisement futur et faire en sorte que les avantages de ces utilisations soient partagés par l’ensemble de l’humanité».
La Déclaration de Stockholm a non seulement abordé la question de l’épuisement des ressources, mais aussi celle du partage des avantages : l’objectif consistant à faire en sorte que l’exploitation des ressources naturelles profite non seulement à quelques-uns, mais aussi à la multitude, à la fois au sein et entre les pays. Elle évoque également le principe de l’équité intergénérationnelle : veiller à ce que l’exploitation actuelle des ressources ne compromette pas la disponibilité des ressources naturelles pour les générations futures.
En fait, l’exploitation des ressources naturelles concerne les trois dimensions de la durabilité : la justice sociale, la santé environnementale et le développement économique. L’exploitation durable des ressources naturelles vise l’équilibre entre ces dimensions : maintenir l’exploitation à long terme des ressources tout en maximisant les avantages sociaux et en minimisant les impacts environnementaux.
L’exploitation des ressources naturelles a plus que triplé depuis 1970
Bien que la Déclaration de Stockholm de 1972 ait énoncé les principes fondamentaux d’une gouvernance durable des ressources, l’état des lieux, un demi-siècle plus tard, est décevant. Le Groupe d’experts International sur les Ressources (IRP), lancé par le Programme des Nations Unies pour l’environnement (PNUE), a constaté que la moyenne mondiale de la demande de matières par habitant est passée de 7,4 tonnes en 1970 à 12,2 tonnes en 2017, avec des impacts négatifs importants sur l’environnement, notamment une augmentation des émissions de gaz à effet de serre.
L’IRP a également montré que «l’exploitation des ressources naturelles et les avantages et les impacts environnementaux connexes sont inégalement répartis entre les pays et les régions» (IRP, 2019, p. 27). D’abord, dans les pays à revenu élevé, l’empreinte matérielle par habitant est treize fois plus élevée que dans les pays à faible revenu : respectivement 27 tonnes et 2 tonnes par habitant. Comme le note le WWF, «si tout le monde vivait comme un habitant moyen des États-Unis, un total de quatre Terres serait nécessaire pour régénérer le prélèvement annuel de l’humanité sur la nature». En outre, comme ils dépendent généralement de l’extraction de ressources dans d’autres pays, les pays à revenu élevé sous-traitent une partie des impacts environnementaux et sociaux de leur consommation. Dans le même temps, l’IRP a signalé que «la valeur créée à travers ces matières commercialisées dans les pays d’origine est relativement faible» (IRP, 2019, p. 65). Ce déséquilibre met en evidence les écarts mondiaux dans la répartition des avantages et des impacts négatifs découlant de l’exploitation des ressources, les pays «riches» en ressources précieuses ne bénéficiant pas toujours de leur extraction, distribution et utilisation, mais souffrant le plus des dommages environnementaux.
Les actions humaines menacent d’extinction mondiale plus d’espèces que jamais auparavant.
Favoriser une gouvernance durable des ressources
Un vaste éventail de normes, d’institutions et d’acteurs influencent les décisions portant sur les ressources naturelles, c’est la raison pour laquelle nous parlons de gouvernance des ressources naturelles. Une pléthore de législations nationales, d’accords inter-gouvernementaux, d’institutions régionales, de mécanismes de certification, de codes de conduite des entreprises et de partenariats multipartites créent un réseau complexe de règles affectant les manières dont les ressources naturelles sont utilisées et dont les avantages qui en découlent sont répartis.
Depuis la Conférence de Stockholm, de nombreux accords multilatéraux ont élaboré une série de directives opérationnelles, d’objectifs et de normes. Certains cadres inter-gouvernementaux, tels que la Convention sur la diversité biologique (CDB), ont une large portée, tandis que d’autres sont spécifiques à des ressources (Convention de Minamata sur le mercure) ou se rapportent à une zone géographique particulière (Convention sur la conservation de la faune et de la flore marines de l’Antarctique). Les initiatives de l’industrie et les partenariats multipartites se concentrent souvent sur des ressources ou des secteurs spécifiques. Des exemples de telles initiatives comprennent le Conseil de la Bonne Gestion forestière (CSF), la Table ronde sur l’huile de palme durable, l’Initiative pour la transparence des industries extractives et l’Initiative pour un meilleur coton.
Les citoyens ont également une influence sur l’exploitation des ressources naturelles: à travers les représentants que nous élisons au gouvernement, notre engagement militant et nos choix en matière de consommation et de transport. Par exemple, un examen attentif des cycles de production alimentaire—ce que nous mangeons, où et comment cela est cultivé, et comment cela arrive dans notre assiette—peut contribuer à réduire l’impact de l’expansion agricole sur les forêts, sur les zones humides et sur les écosystèmes des prairies (FAO, 2018 ; IPBES, 2019). Cependant, cela doit être associé à un changement systémique dans toutes les structures de gouvernance.
Ces mécanismes et institutions ne sont pas toujours complémentaires ; en fait, ils sont parfois en conflit les uns avec les autres. Par exemple, une société d’énergie invoquant le Traité sur la Charte de l’énergie pour déposer un recours d’arbitrage contre la décision d’un pays d’éliminer le charbon—décision prise conformément à ses obligations au titre de l’Accord de Paris sur le changement climatique.
Équilibrer les droits et les intérêts sur les ressources naturelles
La détermination des voies et moyens dont les gens peuvent—et devraient—accéder aux ressources naturelles, en bénéficier, participer à la prise de décision et en assumer la responsabilité a été façonnée par des concepts tels que la propriété et les droits.
D’une part, les droits de propriété divisent les terres et les territoires en : propriété privée, où les droits sont détenus par des individus ou des entreprises ; propriété commune, où les droits sont partagés par une communauté ; propriété publique, où les droits sont détenus par l’État ; et les zones d’accès libre, où aucun droit spécifique n’est attribué (Aggrawal & Elbow, 2006). Les droits de propriété sont étroitement liés aux droits sur les ressources naturelles, qui comprennent le droit d’exploiter une ressource, comme la chasse dans une forêt ; ou des droits de gestion qui accordent le pouvoir de décider de l’exploitation, par exemple, en imposant des restrictions de chasse saisonnières. En termes de gouvernance, différents types de propriété et de droits d’accès peuvent être détenus simultanément par plusieurs acteurs : une zone humide peut être en même temps détenue par l’État, gérée par un conseil local et utilisée comme zone de pêche par les communautés.
La notion de sécurité foncière indique que les droits d’un individu sur des ressources naturelles et des terres spécifiques sont reconnus et exécutoires. Ces droits sont essentiels pour éviter les conflits et favoriser la sécurité sociale ainsi que l’exploitation durable des ressources à long terme.
D’autre part, il existe des droits individuels et des droits collectifs en matière de qualité de vie. Par exemple, la Déclaration des Nations Unies sur les droits des paysans et autres personnes travaillant dans les zones rurales (UNDROP), stipule que «les paysans et autres personnes travaillant dans les zones rurales ont le droit d’avoir accès aux, et d’exploiter de manière durable les, ressources naturelles présentes dans leurs communautés qui sont tenues de jouir de conditions de vie adéquates» et qu’ils «ont le droit de participer à la gestion de ces ressources» (article 5). L’UNDROP souligne l’importance des pratiques durables à petite échelle et la nécessité de renforcer la protection et la reconnaissance des groupes qui ont connu une marginalisation historique et un conflit violent pour l’exploitation des ressources.
De même, la Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones (UNDRIP) et la Convention 169 de l’Organisation internationale du travail (OIT) (ILO 169) protègent les droits individuels et collectifs des peuples autochtones. L’article 8 (2b) de l’UNDRIP stipule que les États doivent prévenir et réparer «toute action qui a pour but ou pour effet de les déposséder de leurs terres, territoires ou ressources». Les deux textes parlent également de l’importance d’assurer le consentement libre, préalable et éclairé (CLPE) des peuples autochtones en ce qui concerne l’exploitation de leurs terres, les articles 11 (2) et 28 de l’UNDRIP soulignant le droit des peuples autochtones à obtenir réparation pour le infractions passées au CLPE.
Il y a aussi le droit à un environnement sain, consacré dans les traités régionaux, y compris les droits procéduraux d’accès à l’information et aux processus décisionnels, ainsi que le droit à l’air pur, à un climat sûr, à une alimentation saine, à une eau salubre et à un environnement sûr pour le travail et les loisirs, et des écosystèmes sains (Conseil des droits de l’homme des Nations Unies, 2019).
En fin de compte, l’efficacité de ces avancées du droit international dépend de la volonté des gouvernements nationaux de les mettre en œuvre. À ce jour, seuls 23 pays ont ratifié l’OIT 169, et de nombreux pays dans le monde n’ont pas encore adopté de législation appropriée pour protéger les droits inscrits dans l’UNDRIP. Pour ce faire, et pour protéger les droits associés dans le cadre de l’UNDROP et le droit à un environnement sain, les gouvernements doivent adopter des réformes solides dans les politiques, législations, institutions et programmes nationaux qui provoquent des changements dans les priorités des pays et garantissent l’intégration des préoccupations environnementales et sociales dans l’ensemble des secteurs, en se concentrant en particulier sur l’autonomisation des groupes marginalisés. Pour garantir que les décisions prises dans toute la société portent mieux sur le bien-être écologique et social, des acteurs de premier plan, y compris le Rapporteur spécial des Nations Unies sur les droits de l’homme et l’environnement, appellent à des approches fondées sur les droits de l’homme pour la gouvernance des ressources naturelles.
Dans l’ensemble, cela constitue une architecture complexe, à caractère dynamique, qui s’appuie souvent sur des pratiques coutumières et qui nécessite un équilibrage des droits et intérêts «concurrents» par le biais de lois et de politiques. Les structures sont rarement simples : il y a souvent des systèmes qui se chevauchent ou même en conflit, et cela influence la durabilité de la gouvernance des ressources.
Les États jouent un rôle central dans la conciliation des droits et des intérêts. Les réglementations relatives au secteur extractif déterminent la façon dont les droits d’utilisateur exclusif d’une société peuvent avoir un impact sur le droit de la population en général à un environnement sûr et sain. Les approches de cet exercice d’équilibre, de la répartition, de la reconnaissance et de la sauvegarde des droits, ainsi que de la mise en œuvre des responsabilités associées, varient d’un État à l’autre et évoluent avec le temps.
Parfois, cet équilibre des intérêts favorise des acteurs plus puissants. Découlant des héritages et trajectoires historiques dans la prise de décision, des inégalités structurelles existent en matière d’accès aux ressources, de propriété et de sécurité foncière (Oxfam, 2014). Ces problèmes ont un impact disproportionné sur les femmes, sur les communautés rurales et sur les peuples autochtones, qui sont souvent considérés comme des bénéficiaires passifs du changement de politique, par opposition aux détenteurs de droits et aux principaux acteurs de la gestion durable des ressources naturelles.
Les femmes ont été historiquement exclues des processus décisionnels liés à la terre et aux ressources (ONU Femmes, 2020). En raison des normes de genre patriarcales persistantes à travers le monde, elles détiennent moins de contrôle que les hommes sur les terres et les ressources qu’elles travaillent traditionnellement et sur lesquelles elles comptent pour leur subsistance et leur bien-être. Sur la base d’une analyse de 180 pays, l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) a constaté que sur les 164 pays qui reconnaissent explicitement le droit des femmes à posséder, exploiter et prendre des décisions concernant les terres au même titre que les hommes, seuls 52 pays garantissent ces droits à la fois dans la législation et dans la pratique (OCDE, 2019). En tant que tel, il est important que les États veillent à ce que les droits des femmes sur les ressources naturelles soient concrétisés et protégés par des mécanismes appropriés.
Les peuples autochtones luttent également pour que leurs droits soient reconnus. Par exemple, en Finlande, en Suède et au Canada, des différends juridiques ont surgi sur le défi de l’équilibre entre le droit souverain des États à gouverner et à exploiter les ressources naturelles et le droit des peuples autochtones à l’autodétermination sur les territoires traditionnels et l’exploitation coutumière des ressources. À l’échelle mondiale, des conflits sont également apparus au sujet d’approches politiques particulières, telles que les méthodes de conservation reposant sur des modèles d’aires strictement protégées ou l’expansion de grandes infrastructures, telles que l’installation de barrages hydrauliques, qui contribuent au déplacement des peuples autochtones et ruraux.
L’expansion des traités internationaux d’investissement aggrave encore les décalages de pouvoir existants. En favorisant la commercialisation et la privatisation des terres et des ressources, et en donnant souvent la priorité aux droits et intérêts des investisseurs par rapport à ceux détenus par les populations locales, ils risquent de restreindre les politiques d’intérêt public et de compromettre l’accès du public aux mesures correctives (Cotula, 2015, 2016).
Besoin d’une gouvernance inclusive
Les militants et les praticiens qui travaillent à la sauvegarde des droits liés aux ressources naturelles et à la sécurité foncière ont fait pression pour une autonomisation et une participation renforcées des groupes locaux, faisant valoir que cela favorise une gouvernance des ressources plus durable et plus équitable. Des alliances entre les femmes, les jeunes, les peuples autochtones et les groupes communautaires locaux ont vu le jour, reliant les efforts locaux à ceux mondiaux et attirant l’attention internationale sur les injustices. Cela comprend des alliances populaires telles que la Vía Campesina, qui a fait pression pour protéger les droits des agriculteurs et des paysans depuis les années 1990 et a joué un rôle déterminant dans la création et l’adoption de l’UNDROP.
La prise de décision inclusive est essentielle pour une gouvernance durable des ressources. Tout comme les normes de genre ont influencé les structures d’accès et d’exploitation, elles ont également façonné nos comportements et les connaissances que nous acquérons, les femmes détenant une expertise agro-écologique unique liée à la résilience des cultures et à la nutrition (ONU Femmes, 2018). Ainsi, à moins que les processus de prise de décision soient sensibles au genre et inclusifs, ils risquent de négliger les besoins et les rôles spécifiques des femmes et, ainsi, ne parviendront point à garantir l’inclusion de savoirs écologiques importants pour permettre des pratiques durables.
On peut dire la même chose de l’inclusion des peuples autochtones et des communautés locales dans la gouvernance des ressources. La deuxième édition des Perspectives de la biodiversité locale de la CDB illustre leurs importantes contributions à la sauvegarde et à l’exploitation durable des ressources naturelles et de la biodiversité. Des avantages importants viennent avec des structures de gouvernance et des processus décisionnels inclusifs et dirigés par la communauté, qui, en plus de protéger et de permettre une utilisation durable des ressources, peuvent renforcer les systèmes de soutien communautaire et les économies locales, et revitaliser les savoirs et les langues autochtones et locales.
Besoin d’un changement transformateur
Nonobstant les efforts consentis depuis les années 70, les tendances actuelles de l’exploitation des ressources naturelles ne sont pas viables et produisent des résultats potentiellement dévastateurs. Le Rapport d’évaluation mondial de l’IPBES de 2019 a souligné que des changements transformateurs sont nécessaires pour protéger les ressources dont dépendent la vie et le bien-être du genre humain. Le rapport reconnaît également que, de par sa nature même, le changement transformateur est souvent opposé par ceux qui ont intérêt au maintien du statu quo. Les acteurs de la société civile soulignent l’importance pour les gouvernements de prendre en compte les intérêts acquis et de favoriser une prise de décision inclusive, ainsi qu’un rééquilibrage des priorités en ce qui concerne les droits et les intérêts, afin de garantir et l’intégrité écologique et la justice sociale (Allan, et. al., 2019). Le rapport ’Perspectives de la biodiversité locale’ mentionné précédemment offre des exemples importants d’approches ascendantes de la gouvernance des ressources, qui peuvent favoriser la durabilité tout en s’attaquant aux inégalités historiques.
Compte tenu des inégalités mondiales et locales dans la répartition de l’exploitation des ressources et des avantages, la réalisation d’un changement transformateur nécessite une action gouvernementale audacieuse, tant au niveau national qu’au sein des instances internationales. Nous avons besoin de changements fondamentaux dans les modes de production et de consommation, d’une attention particulière aux chaînes de valeur et d’approvisionnement, et de la promotion de l’exploitation circulaire des ressources et des économies. La circularité des ressources rompt avec le modèle linéaire «d’extraction-utilisation-rejet» vers un modèle de «déchets en tant que ressource» qui favorise une réduction des besoins d’extraction des ressources et encourage une plus grande réutilisation, réparation et recyclage. Ces objectifs sont déjà inscrits dans le Programme de développement durable à l’horizon 2030, les gouvernements s’efforçant de parvenir à une gestion durable et à une utilisation efficace des ressources naturelles d’ici 2030. Bien que la mise en œuvre ait été trop lente (IPBES, 2019), une attention accrue est accordée à la promotion de la circularité des ressources, parallèlement à des efforts visant à promouvoir des normes de travail sûres et à réduire les impacts environnementaux de l’exploitation des ressources. Les initiatives législatives qui augmentent la responsabilité des producteurs quant aux impacts de leurs produits tout au long de leur cycle de vie sont les plus remarquables à cet égard. Le fait de confier aux fabricants la responsabilité de l’élimination après utilisation, augmente considérablement le taux de valorisation des matières et incite à concevoir des produits moins gaspilleurs (OCDE, 2016).
Pour mieux équilibrer les trois dimensions de la gouvernance durable des ressources—la justice sociale, la santé environnementale et le développement économique—nous devons reconsidérer nos systèmes économiques, sociaux, politiques et technologiques qui permettent actuellement des pratiques de production dommageables et une consommation gaspillant les ressources. D’autres modes de vie sont possibles, à commencer par la manière dont nous structurons nos sociétés et nos économies, les relations que nous tissons les uns avec les autres et avec nos écosystèmes, pour s’assurer que les priorités de nos dirigeants s’alignent sur les intérêts du plus grand nombre plutôt que sur ceux de quelques-uns. Pour réaliser ces changements, les gouvernements devraient élaborer des responsabilités étendues des producteurs et une législation régissant la chaîne d’approvisionnement en vue d’une répartition plus équitable des avantages et des préjudices découlant de l’exploitation des ressources et de la promotion de la protection des droits de l’homme, de manière à garantir et le bien-être écologique et la justice sociale.
La prise de décision doit être inclusive et tenir compte des besoins, des droits et des savoirs des communautés et des groupes historiquement marginalisés. Les structures de gouvernance doivent reconnaître et soutenir les pratiques durables préexistantes aux niveaux local et régional, et nourrir l’émergence de modes plus durables d’exploitation et de gestion des ressources.
Cela nécessitera de renforcer les droits fonciers et de redistribuer le pouvoir à toutes les étapes de la prise de décision.
Ouvrages consultés
Aggarwal, S. et Elbow, K. (2016). Le role des droits de propriété dans la gestion des ressources naturelles, la bonne gouvernance et l’autonomisation des ruraux pauvres. USAID. https://www.land-links.org/wp-content/uploads/2016/09/USAID_Land_Tenure_Property_Rights_ and_NRM_Report.pdf
Allan, J.I., Antonich, B., Bansard, J.S., Luomi, M., et Soubry, B. (2019). Résumé de la Conférence Chili / Madrid sur les changements climatiques: 2-15 décembre 2019. Earth Negotiations Bulletin, 12 (775). https://enb.iisd.org/download/pdf/enb12775e.pdf
Conseil des droits de l’homme des Nations Unies. (2019). Rapport du Rapporteur spécial sur la question des obligations en matière de droits de l’homme relatives à la jouissance d’un environnement sûr, propre, sain et durable. A / HRC / 43/53. https://undocs.org/A/HRC/43/53
Cotula, L. (2015). Droits fonciers et traités d’investissement. IIED. https://pubs.iied.org/sites/default/files/pdfs/migrate/12578IIED.pdf
Cotula, L. (2016). Repenser les traités d’investissement pour faire progresser les droits de l’homme. Briefing IIED. https://pubs.iied.org/sites/default/files/pdfs/migrate/17376IIED.pdf
Groupe d’experts international sur les ressources. (2019). Edition 2019 des Perspectives des ressources mondiales: les ressources naturelles pour l’avenir que nous voulons. Programme des Nations Unies pour l’environnement. https://www.resourcepanel.org/reports/global-resources-outlook
ONU Femmes (2020). Réaliser les droits des femmes à la terre et aux autres ressources productives. 2ème éd. https://www.unwomen.org/en/digital-library/publications/2020/10/realizing-womens-rights-to-land-and-other-productive-resources-2nd-edition
ONU Femmes (2018). Vers une mise en œuvre sensible au genre de la Convention sur la diversité biologique. https://www.unwomen.org/en/digital-library/publications/2018/11/towards-a-gender-responsive-implementation-of-the-convention-on-biological-diversity
Organisation de coopération et de développement économiques. (2016). Responsabilité élargie des producteurs: Directives actualisées pour une gestion efficace des déchets. https://doi.org/10.1787/9789264256385-en
Organisation de coopération et de développement économiques. (2019). Rapport mondial 2019 sur les institutions sociales et l’indice de genre: Transformer les défis en opportunités. https://doi.org/10.1787/bc56d212-en
Organisation des Nations Unies pour l’alimentation et l’agriculture. (2018). Systèmes alimentaires durables: concept et cadre. http://www.fao.org/3/ca2079en/CA2079EN.pdf
Oxfam. (2014). Égaliser: il est temps de mettre fin aux inégalités extrêmes. https://www-cdn.oxfam.org/s3fs-public/file_attachments/cr-even-it-up-extreme-inequality-291014-en.pdf
Plateforme intergouvernementale scientifique et politique sur la biodiversité et les services écosystémiques. (2019). Rapport d’évaluation mondiale sur la biodiversité et les services écosystémiques. https://www.ipbes.net/global-assessment
Programme des peuples forestiers, Forum international autochtone sur la biodiversité, Réseau des femmes autochtones sur la biodiversité, Centres de distinction sur les savoirs autochtones et locaux et Secrétariat de la Convention sur la diversité biologique. (2020). Perspectives de la biodiversité locale 2. https://www.cbd.int/gbo/gbo5/publication/lbo-2-en.pdf
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