Les recours d’un investisseur espagnol contre le Costa Rica sont déclarés irrecevables

Supervisión y Control S.A. c. la République du Costa Rica, Affaire CIRDI n° ARB/12/4

 

Un tribunal du Centre international pour le règlement des différends relatifs aux investissements (CIRDI) s’est majoritairement déclaré compétent pour trancher les recours lancés par un investisseur espagnol contre le Costa Rica. Il a toutefois déclaré que les recours étaient irrecevables, soit du fait de la disposition relative à la sélection du for, soit parce que l’investisseur n’avait pas respecté le délai d’attente spécifié dans le Traité bilatéral d’investissement (TBI) Costa Rica-Espagne. Le tribunal a ordonné à chacune des parties de payer ses propres frais d’arbitrage et la moitié des coûts de la procédure.

Les faits et les recours

Supervisión y Control (SyC), enregistrée en Espagne, et Transal, basée au Costa Rica, ont formé le consortium Riteve afin de participer à un appel d’offre pour une concession de fourniture de services d’inspection technique des véhicules (VTI) au Costa Rica. Riteve a remporté l’appel d’offre et conclu, en mai 2001, un accord de concession avec le Costa Rica.

Entre 2001 et 2011, le ministère costaricain des Travaux publics et du Transport a décidé, à plusieurs reprises, de ne pas effectuer l’augmentation annuelle des tarifs des services VTI, comme l’aurait exigé l’accord de concession. SyC a présenté une demande d’arbitrage auprès du CIRDI le 21 décembre 2011, arguant que, ce faisant, le Costa Rica violait la norme du traitement juste et équitable (TJE), l’article relatif à l’expropriation, la clause parapluie et d’autres dispositions du TBI Costa Rica-Espagne, et réclamait une indemnisation de 261,6 millions d’euros.

Le tribunal affirme sa compétence sur les recours au titre de la clause parapluie largement formulée

Le tribunal remarqua que la violation d’un contrat entre un État et un investisseur étranger ne constitue pas en soi une violation du droit international ou d’un traité international, mais que l’article III.2 du TBI est une clause parapluie qui oblige chacun des États à respecter les obligations contractées vis-à-vis de l’investissement des investisseurs de l’autre État.

Le Costa Rica arguait que le tribunal n’avait pas compétence sur les recours au titre de la clause parapluie puisqu’il n’y avait pas de relation contractuelle entre SyC et le Costa Rica au titre de l’accord de concession. Le tribunal considéra toutefois que la formulation de l’article III.2 – qui prévoit que l’État doit respecter ses obligations « vis-à-vis de l’investissement des investisseurs de l’autre partie contractante » – était suffisamment large pour couvrir les obligations du Costa Rica vis-à-vis de Riteve, une entreprise contrôlée par SyC, allant au-delà de la relation contractuelle directe. Aussi, le tribunal affirma sa compétence sur les recours.

Admissibilité : le tribunal examine la clause de sélection du for à l’article XI.3

L’article XI.3 du TBI prévoit que si l’investisseur présente le différend aux tribunaux nationaux, il peut lancer un arbitrage à condition que le tribunal national n’ait pas rendu sa décision ; pour lancer un arbitrage, l’investisseur doit adopter les mesures nécessaires pour mettre un terme définitif aux procédures en cours. Le tribunal arbitral considéra que cette disposition constituait une clause de sélection du for équivalant à une clause dérogatoire.

D’après le tribunal, la sélection du for est une prescription de la recevabilité ; il fallait donc déterminer si SyC avait présenté le différend au tribunal national compétent, et si c’était le cas, si l’entreprise avait mis fin à la procédure une fois l’arbitrage entamé.

D’abord, le tribunal a analysé la procédure lancée par Riteve auprès du Tribunal des contentieux administratif (TCA), que le Costa Rica considérait comme une violation de la disposition relative au choix du for. Pour déterminer si la procédure auprès du TCA était liée au différend soumis à l’arbitrage, le tribunal appliqua le test du « fondement essentiel de la demande ». À ce titre, le tribunal devait analyser si l’affaire au TCA et l’arbitrage avaient le même fondement essentiel de la demande et si tous deux avaient les mêmes objectifs. Dans un deuxième temps, le tribunal devait analyser si l’affaire au TCA lancée par Riteve était attribuable à SyC.

Le tribunal considéra que l’affaire au TCA et l’arbitrage avaient les mêmes objectifs : l’indemnisation des pertes découlant de la conduite ou des omissions du Costa Rica, de la violation alléguée du droit national dans le cadre de la procédure locale, et de la violation alléguée du traité dans le cadre de la procédure d’arbitrage. Dans un deuxième temps, considérant que Riteve était une société agissant sur intérêts et instructions de SyC, son actionnaire majoritaire, le tribunal conclut qu’il fallait considérer que l’affaire au TCA lancée par Riteve avait en réalité été lancée par SyC.

Le tribunal nota toutefois que Riteve n’avait pas mis fin à la procédure au TCA une fois l’arbitrage lancé par SyC, en violation de l’article XI.3. Il conclut donc que les recours examinés dans l’affaire au TCA – ceux fondés sur la conduite ou l’omission du Costa Rica en lien avec les tarifs des services VTI – étaient irrecevables dans le cadre de l’arbitrage. Il conclut également que les recours soulevés par SyC, qui ne font pas référence à l’ajustement des tarifs, étaient en principe recevables s’ils satisfaisaient les autres critères de recevabilité.

Admissibilité : prescriptions de consultation et de délai d’attente au titre de l’article XI.1

L’article XI.1 du traité exige de l’investisseur qu’il notifie l’État défenseur de tout différend, en incluant notamment des informations détaillées. Une procédure judiciaire ou arbitrale formelle ne peut être lancée que si un accord à l’amiable n’est pas atteint dans les six mois suivant la notification du différend. Le tribunal rappela que la notification adéquate est l’un des éléments du consentement de l’État à l’arbitrage et que l’absence de notification rend le recours irrecevable compte tenu de l’absence de négociation préalable.

Le tribunal observa que les seuls recours correctement notifiés par SyC étaient ceux portant sur l’ajustement des tarifs des services VTI et sur les dommages découlant de la conduite du Costa Rica, que le tribunal avait déjà jugés irrecevables. Il conclut que les nouveaux recours présentés par SyC étaient également irrecevables, puisque SyC n’avait pas respecté la prescription de l’article XI.1 de notifier le défenseur au moins six mois avant le début de l’arbitrage. Aussi, le tribunal conclut que tous les recours étaient irrecevables.

Remarques : le tribunal du CIRDI était compose de Claus von Wobeser (président nommé par le président du Conseil administrative du CIRDI, de nationalité mexicaine), de Joseph P. Klock (nommé par le demandeur, de nationalité étasunienne) et d’Eduardo Silva Romero (nommé par le défenseur, de nationalités colombienne et française). La décision est disponible en anglais sur http://www.italaw.com/sites/default/files/case-documents/italaw8230.pdf.

Maria Florencia Sarmiento est assistante d’enseignement et de recherche à l’Université catholique d’Argentine.