Un consortium français d’entreprises lance un arbitrage contre le Chili après avoir perdu 37 millions USD suite à la pandémie de Covid-19
Le 19 janvier 2021, les principaux actionnaires d’un consortium d’entreprises contrôlant la concession de plusieurs milliards USD de l’aéroport international Arturo Merino Benítez de Santiago, ont informé le président chilien Sebastián Piñera de leur intention de lancer un arbitrage CIRDI. Les investisseurs prétendent avoir subi des pertes suite aux mesures prises pour répondre à la pandémie de Covid-19.
Les groupes français ADP et Vinci Airports détiennent respectivement 45 % et 40 % des parts dans le consortium Nuevo Pudahuel, qui a remporté une concession de 20 ans pour l’aéroport de Santiago en 2015 ; l’entreprise italienne Astaldi détient les 15 % restants.
Dans leur recours fondé sur le TBI Chili-France de 1992, les concessionnaires français réclament l’indemnisation de leurs pertes nettes de 37 millions USD en 2020, ainsi que la renégociation du contrat dans le but d’empêcher l’expropriation de leur investissement. Les opérateurs du consortium ont indiqué que leur bénéfice avait chuté de 90 % en 2020, alors que le Chili a perdu 19 routes et 630 fréquences hebdomadaires depuis le début de la pandémie, entraînant une chute du nombre de passagers d’environ 70 %.
Le conflit s’est envenimé lorsque le ministère chilien des Travaux publics a refusé la demande d’aide financière du consortium, ainsi que l’extension de la concession dans le but de rétablir sa viabilité économique et de recouvrer l’investissement réalisé dans le nouveau terminal en cours de construction. Nuevo Pudahuel arguait que les revenus de l’aéroport seraient affectés par la pandémie pendant au moins cinq ans, période estimée pour le retour aux niveaux antérieurs du trafic de voyageurs.
D’après le site Internet Pauta Bloomberg, le ministre des Travaux publics, Alfredo Moreno, avançait que l’État lui-même avait subi des pertes considérables dans le cadre du mécanisme de partage des bénéfices qui stipule que 77 % des bénéfices de l’aéroport doivent être transférés à l’État chilien. « Pour chaque peso perdu par les concessionnaires, l’État en a perdu trois fois plus », a-t-il indiqué. En outre, d’aucuns arguaient que la renégociation du contrat n’était pas permise par la loi, qui exige la tenue d’un nouvel appel d’offre.
Dans la notification de leur différend, les opérateurs français mentionnent la politique gouvernementale chilienne exigeant des mesures sanitaires supplémentaires à l’aéroport pour protéger les personnes contre la propagation du coronavirus, ainsi que les refus répétés de l’État de renégocier le contrat. Ils font également référence aux dispositions du TBI sur le TJE, le traitement national et la protection contre l’expropriation.
Dans un entretien accordé à Pulso, le PDG du Groupe ADP, Fernando Echegaray, indiquait que le refus de la demande du consortium posait des risques graves à la concession, qui ne serait plus viable, puisque le contrat n’attribue pas la menace des pandémies au consortium.
« Les effets de la pandémie et le refus par l’État de restaurer l’équilibre économico-financier de la concession ont toutefois causé des dégâts imprévus qui vont non seulement empêcher d’autres investissements majeurs, mais aussi mettre en péril le fonctionnement de l’aéroport. Selon nous, le Chili n’a pas respecté ses obligations de protéger l’investissement étranger au titre de l’accord entre le Gouvernement de la République du Chili et le Gouvernement de la République française sur la promotion et la protection réciproques des investissements », a indiqué Echegaray.
À l’inverse, le ministre Moreno a indiqué que l’aéroport ne court pas de risques puisque le concessionnaire peut être remplacé si Nuevo Pudahuel n’est pas en mesure de poursuivre. « Les entreprises doivent respecter ce qu’il a été demandé d’elles, et ne peuvent espérer utiliser d’autres mécanismes pour recevoir ce à quoi elles n’ont pas droit… ce qu’ils cherchent, c’est un prolongement du contrat, ce qui représente des milliards de dollars » a-t-il affirmé.
Après avoir examiné le recours RDIE au titre du TBI Chili-France, Rodrigo Yáñez, le sous-secrétaire chilien aux Relations économiques internationales, a souligné que la divergence entre le consortium et le ministère des Travaux publics dans le cadre du contrat de concession ne signifie pas nécessairement que l’État chilien a violé ses obligations internationales au titre de l’accord de protection des investissements Chili-France. « Un éventuel procès auprès du CIRDI repose sur ce dernier, et la sentence récente qui met un terme au recours des actionnaires d’Alsacia et d’Express contre l’État fait une distinction très claire entre les actions de nature contractuelle de l’État, et celles réalisées par l’État en qualité souveraine », a expliqué Yáñez à La Tercera.
Avant d’affronter l’État chilien devant le CIRDI, les contrôleurs français de l’aéroport de Santiago ont commencé une période de négociation à l’amiable de six mois, comme l’exige le TBI Chili-France.