Le protocole sur l’investissement de l’Accord portant création de la zone de libre-échange continentale africaine : que contient-il et quelles sont les prochaines étapes pour le continent ?

Introduction

Le protocole sur l’investissement (PI ou protocole) de l’Accord portant création de la Zone de libre-échange continentale africaine (ZLECAf) a été adopté par les chefs d’État africains les 18 et 19 février 2023, lors du 36ème Sommet de l’Union africaine à Addis-Abeba, en Éthiopie.[1] Il s’agit d’un événement capital pour le continent, car le protocole reflète et signale une position africaine commune sur divers domaines clés de la gouvernance de l’investissement. La phase I des négociations portait sur le commerce des biens et des services, tandis que la phase II, qui comprend ce protocole, le protocole sur la propriété intellectuelle et le protocole sur la concurrence, est en bonne voie. Une autre phase III concernera des négociations pour un protocole sur le commerce électronique.

En décembre 2021, les négociateurs africains ont entamé un processus d’un an pour élaborer le texte du PI, aboutissant à une version finale qui définit la promotion, la facilitation et la protection des investissements intra-africains. En outre, le PI établit une agence panafricaine du commerce et de l’investissement, tout en fournissant des orientations pour des négociations ultérieures sur le règlement et la gestion des différends en vertu du protocole, dans le cadre d’une annexe.

Bien qu’il y ait EU plusieurs versions du projet de texte initial, le PI final tel qu’il a été adopté incorpore des dispositions innovantes, faisant fond sur les résultats de décennies de réformes de la politique d’investissement tels que le Code panafricain des investissements, les instruments d’investissement des Communautés économiques régionales, les traités d’investissement bilatéraux conclus par les États africains et les lois nationales sur l’investissement. En outre, il intègre des principes novateurs tirés d’autres instruments, accords et cadres internationaux pertinents en matière d’investissement, tels que le Cadre pour des politiques d’investissement au service du développement durable de la Conférence des Nations Unies sur le commerce et le développement (CNUCED). La nécessité d’intégrer à la fois les meilleures pratiques en Afrique et celles au niveau mondial était l’un des nombreux objectifs importants inclus dans l’annexe sur les modalités et les principes de négociation du PI de la ZLECAf adoptée en septembre 2021 pour guider le processus et le calendrier des négociations.

Le protocole reconnaît la nécessité de générer davantage d’investissement plus durable et cherche à le susciter au moyen de l’industrialisation, de la réduction de la pauvreté et du développement d’un secteur privé plus animé et dynamique, tout en renforçant les droits humains et le développement humain liés à l’investissement, entre autres. L’ambition ultime est de faire de l’Afrique une destination pour les investissements durables.

Cette note de politique expose certaines des principales caractéristiques du PI qui peuvent conduire à la réalisation de ces ambitions audacieuses et transformatrices.

Mettre la durabilité centrale au service de la transformation économique : le préambule, les objectifs et le but du protocole

Le préambule est un élément clé du PI, car il présente les objectifs et les intentions des négociateurs de l’accord et sert de guide pour son application et son interprétation par les différentes parties prenantes, y compris les communautés, les gouvernements et les investisseurs, aujourd’hui et à l’avenir. Il est important de noter que le préambule contient un critère de durabilité, également reflété dans les objectifs (article 2) et le champ d’application (article 3) du protocole, ce qui souligne immédiatement la centralité de ce thème. Il prend également en compte les instruments de politique d’investissement de la CNUCED qui soutiennent les politiques d’investissement de nouvelle génération en faveur d’une croissance inclusive et du développement durable. En outre, le préambule reconnaît la contribution significative que l’investissement peut apporter à la réduction de la pauvreté et au développement humain. Il souligne également l’importance de l’inclusivité en encourageant les activités d’investissement qui profitent aux régions économiquement défavorisées, aux petites et moyennes entreprises, aux communautés locales, aux peuples autochtones et aux groupes sous-représentés, notamment les femmes et les jeunes. Il est important de noter que le PI tient compte des différents niveaux de développement des pays africains dans la mise en œuvre des engagements.

Promouvoir et faciliter les « investisseurs » et les « investissements » intra-africains pour renforcer l’intégration régionale

Le PI fournit des définitions claires d’une série de questions clés telles que le « développement durable », « l’État d’origine », « l’État d’accueil », « l’investisseur » et « l’investissement », entre autres. L’ajout d’une définition des « droits humains relatifs à l’investissement » revêt une importance particulière, car celle-ci tient compte des dernières préoccupations exprimées par les pays et les communautés en développement du monde entier et soulignées par le groupe de travail sur les entreprises et les droits de l’homme. Le PI étend la compatibilité des accords internationaux d’investissement (AII) et des droits humains à l’environnement, à la santé et aux droits fondamentaux au travail.

Selon les définitions de l’article 1, le protocole prévoit que l’investisseur peutêtre une « personne physique » ou une « entreprise ». S’agissant de l’investisseur en tant que personne physique, la définition parle d’« un ressortissant d’un État partie, conformément à ses lois et règlements, qui a réalisé un investissement sur le territoire d’un autre État partie », ce qui signifie que le protocole ne s’applique qu’aux investisseurs africains qui investissent dans l’une des 55 juridictions. En outre, il anticipe déjà les scénarii de double nationalité et stipule qu’« une telle personne physique est réputée être exclusivement ressortissante du pays dont elle a la nationalité effective ou dans lequel elle réside habituellement de façon permanente ». Cette disposition empêche les personnes ayant une double nationalité résidant en dehors de la région d’utiliser le protocole pour investir dans leur pays d’origine. S’agissant de l’investisseur en tant qu’entreprise, la définition retenue exige que « l’entreprise ait réalisé un investissement sur le territoire de l’État d’accueil ».

La définition de l’investissement elle-même prévoit également une approche « fondée sur l’entreprise » tout en intégrant une liste illustrative et non exhaustive d’actifs qu’une entreprise peut posséder. Une définition « fondée sur l’entreprise » habituellement incluse dans les accords de nouvelle génération n’étend la couverture du traité qu’aux investissements réalisés sous la forme d’une entreprise, exigeant ainsi que celle-ci soit enregistrée dans l’État d’accueil pour être qualifiée d’investissement couvert en vertu du protocole (pour examiner la pratique conventionnelle récente, voir, par exemple, le Traité bilatéral d’investissement (TBI) Brésil-Inde (2020), article 2.4 ; le TBI Congo-Maroc (2018), article 1.1 ; le Protocole de coopération et de facilitation des investissements intra-MERCOSUR (2017), article 3.3 ; le TBI Maroc-Nigeria (2016), article 1). En effet, les entreprises, plutôt que les seuls actifs, sont la forme d’investissement la plus susceptible d’apporter les principaux bénéfices associés à l’investissement direct étranger, notamment la création d’emplois, les recettes fiscales et les transferts de compétences et de technologies. Ce type de définition indique également clairement que seuls les actifs détenus par l’entremise d’une « entreprise » sont inclus dans le champ d’application ; par conséquent, ces actifs ne sont pas protégés en tant qu’actifs autonomes. La référence aux « activités commerciales substantielles » (terme lui-même défini dans le protocole) dans la définition d’une entreprise ainsi que la liste des circonstances qui peuvent indiquer ces « activités commerciales substantielles » visent à décourager la pratique connue sous le nom de « treaty shopping ». Cette pratique consiste, pour un investisseur qui est une entreprise, à changer stratégiquement de nationalité pour bénéficier des avantages d’un traité auquel il n’aurait autrement pas pu prétendre. Il est important de noter que le PI précise que les investissements couverts doivent présenter une liste de caractéristiques, dont une contribution significative au développement durable de l’État d’accueil.

Autre point important, conformément aux pratiques modernes des AII, la définition de l’investissement exclut expressément les titres de dette publique, tels que les obligations émises par les gouvernements, les investissements de portefeuille (c’est-à-dire ceux qui représentent moins de 10 % des actions de l’entreprise ou qui ne confèrent pas à l’investisseur des droits de gestion effectifs de l’entreprise), ainsi que les créances contractuelles, telles que les contrats de vente de biens ou de services par un ressortissant ou une entreprise. Ces types d’investissements n’entraînent généralement pas de transfert de technologie, de formation des employés locaux ou d’autres avantages associés à une entreprise établie localement.

Il est important de noter que le PI inclut également une clause de refus d’avantages (article 5) qui couvre diverses situations dans lesquelles les investisseurs et/ou leurs investissements pourraient être en conflit avec les objectifs du protocole ou d’autres objectifs publics nationaux spécifiés. Il s’agit, par exemple, d’une situation dans laquelle un investisseur ne respecte pas certaines de ses obligations en vertu du protocole (voir ci-dessous).

Chaque pays devra autoriser les investissements conformément à ses lois et réglementations nationales

La définition de l’investissement exige également qu’un investissement soit réalisé en conformité avec les lois et règlements de l’État partie d’accueil. Il s’agit là d’une inclusion importante qui constitue un obstacle juridictionnel potentiellement utile aux procédures de règlement des différends lancées par un investissement, ou en son nom, qui n’a pas été établi, acquis ou développé en conformité avec les lois nationales, par exemple un investissement réalisé par le biais de la corruption. Cette pratique est conforme aux objectifs régionaux et mondiaux plus larges en matière d’investissement durable.

L’article 4 sur l’admission des investissements réaffirme cette importance et oblige les États parties à appliquer leur législation nationale relative à l’admission des investissements. Cela permet de garantir la souveraineté des États et leur droit d’exercer leur autorité politique pour atteindre les objectifs de développement nationaux, tout en étant conforme aux ambitions globales de la ZLECAf de créer un marché continental unique et unifié.

Le PI ne s’applique qu’aux investissements en phase de post-établissement, comme le soulignent les définitions (article 1), c’est-à-dire aux investissements qui ont été autorisés à s’établir sur le territoire des États parties par le biais de mécanismes de sélection appropriés, conformément aux lois et réglementations nationales.

Le champ d’application du protocole et les éléments qui en sont exclus

Le protocole vise à établir un meilleur équilibre entre les droits accordés aux investisseurs et leurs obligations vis-à-vis de l’État d’accueil. À cet égard, l’article 3 fait référence aux droits et obligations des États parties, des investissements et des investisseurs, tels qu’ils sont définis, et exclut également certains sujets du champ d’application du protocole dans son intégralité. Cette disposition de cadrage précoce est importante et donne de la clarté à tous les acteurs.

L’article exclut notamment de son champ d’application les lois ou règlements relatifs à la fiscalité, aux marchés publics, aux subventions publiques ou accordées dans le cadre de programmes de développement national, aux opérations de restructuration de la dette publique et de la dette des entreprises publiques, et aux investissements réalisés avec des capitaux ou des actifs d’origine illégale, entre autres. Ces éléments sont désignés parce qu’ils sont considérés comme essentiels à la fonction souveraine de l’État et à sa capacité de collecter et de dépenser les recettes publiques conformément à ses objectifs et priorités de développement.

Il existe des exceptions et des dérogations claires et bien conçues pour chaque norme de protection des investissements

Le chapitre 3 (articles 12 à 23) du PI contient les normes de protection et de traitement des investisseurs et des investissements. Il est important de noter que chaque norme comporte des exceptions et des dérogations relatives aux mesures d’intérêt public visant à clarifier le champ d’application de la norme de traitement en question. Ce type de libellé apporte clarté et certitude aux investisseurs sur ce qui constitue et ce qui ne constitue pas une norme de protection. En outre, il indique qu’une protection raisonnable des investissements est accordée et non une protection absolue, contrairement aux accords d’investissement passés qui donnaient la priorité à cette dernière par rapport au droit des États de réglementer dans l’intérêt public ou aux objectifs généraux de développement durable. Toutefois, ces accords d’ancienne génération étaient également moins clairs quant à certains éléments, ce qui créait des incertitudes parmi les parties prenantes.

Par exemple, l’article 12 sur le traitement national vise à prévenir la discrimination fondée sur la nationalité et à garantir aux investisseurs étrangers des conditions de concurrence égales à celles des investisseurs nationaux comparables investissant « dans des circonstances similaires ». Il est important de noter que la garantie du traitement national n’est accordée que dans la phase post-établissement (comme indiqué par les termes « gestion, conduite, exploitation, utilisation, expansion et vente »). Les parties sont donc libres de déterminer dans leur législation nationale les secteurs qui devraient être ouverts aux investissements étrangers et ceux qui devraient être réservés aux ressortissants nationaux.

Contrairement aux dispositions des anciens AII qui incluent la norme de traitement juste et équitable (TJE), le PI a consacré une norme innovante de traitement administratif et judiciaire juste en lieu et place du TJE. Le TJE est une disposition controversée du règlement des différends entre investisseurs et États (RDIE), qui est devenue une clause « fourre-tout » permettant aux investisseurs de contester n’importe quelle mesure prise par un État. Elle constitue ainsi la base la plus fructueuse des recours d’arbitrage entre investisseurs et États et, malgré son inclusion généralisée, la signification précise du terme reste incertaine. Par conséquent, les tribunaux d’investissement ont tenté de formuler une définition tout en interprétant la disposition, en élargissant de plus en plus sa portée et son contenu au fil du temps (voir, par exemple, ici). Les interprétations divergentes, associées au large champ d’application de la norme TJE, sont sources d’imprévisibilité pour les États et limitent leur droit de réglementer.

L’approche alternative du PI sur le traitement administratif et judiciaire offre au contraire une protection essentielle et légitime aux investisseurs, les protégeant notamment contre le déni de justice fondamental et manifeste, l’arbitraire manifeste, la discrimination fondée sur le sexe, la race ou les croyances religieuses, qui diffère de la discrimination fondée sur la nationalité, et le traitement abusif, tel que le harcèlement, la coercition et la contrainte.

La promotion et la facilitation de l’investissement incluses dans le protocole

Le PI adopte une approche globale et moderne de l’élaboration de la politique d’investissement. Contrairement aux AII d’ancienne génération qui ne couvraient que la protection des investissements, le PI comprend un chapitre entier sur la promotion et la facilitation des investissements. Ce chapitre régit la coopération régionale en soutien des flux d’investissement entre les parties et en leur sein. Entre autres éléments, le chapitre inclut des obligations innovantes de meilleurs efforts visant à promouvoir « les investissements qui contribuent à l’égalité des sexes, à l’autonomisation des femmes, des jeunes et des personnes handicapées » (article 6(g)). En outre, le chapitre encourage les parties à rationaliser les procédures et les exigences administratives relatives aux investissements, y compris la facilitation des visas et des permis, la mise en place de « guichets uniques », les services de suivi et les procédures de numérisation (article 7(3)). Il est important de noter que le chapitre sur la facilitation de l’investissement du PI comporte d’importantes flexibilités ; la majorité des obligations sont fonction du droit national et de la capacité des États.

Promouvoir l’investissement durable pour lutter contre le changement climatique et les pandémies sanitaires tout en minimisant les risques de RDIE

La pandémie de COVID-19 et la crise climatique ont eu un impact significatif sur les investissements directs étrangers (IDE). Nous constatons également un risque croissant de RDIE pour les États en lien avec les diverses mesures réglementaires qu’ils ont mises en place en réponse à la pandémie de COVID-19. Réagissant au défi du changement climatique, le PI réglemente les incitations aux investissements durables, par exemple en autorisant et en encourageant les incitations aux investissements à faible émission de carbone. Le chapitre sur les questions liées au développement durable comprend également des dispositions relatives à la promotion et à la facilitation de l’investissement qui se rapportent à des domaines thématiques spécifiques, tels que l’action climatique. Ce chapitre comprend également des engagements à ne pas abaisser les normes en matière de l’environnement, du travail et de la consommation dans le but d’attirer les investissements étrangers. Les parties au protocole s’engagent également à publier les lois et règlements pertinents, dans la mesure de leurs possibilités (article 10), et à désigner des points focaux nationaux. Le PI réaffirme également la capacité des États de réglementer dans l’intérêt public pour répondre aux défis liés aux pandémies et au changement climatique.

À titre d’exemple d’une disposition tenant compte du climat, l’inclusion des termes « dans des circonstances similaires » à l’article 12 (qui porte sur le traitement national) protège les droits des États à établir une discrimination entre différents investisseurs et investissements sur la base de caractéristiques qui ne sont pas liées à la nationalité. Par exemple, pour encourager la production d’énergie renouvelable, les États voudront peut-être traiter les investisseurs dans ce secteur plus favorablement que les investisseurs engagés dans la production de combustibles fossiles (article 12.2(b)). De même, un État souhaitera peut-être réglementer une opération plus lourdement, et donc moins favorablement, qu’une autre opération similaire parce qu’elle est située dans une zone à l’environnement sensible. L’article 13 prévoit des catégories d’exceptions à l’obligation imposée aux États parties d’accorder le traitement national, telles que les mesures prises pour protéger ou renforcer la moralité publique légitime, la santé publique, l’action climatique, les intérêts essentiels en matière de sécurité et la protection de l’environnement, qui sont des domaines qu’il est de plus en plus important de réglementer.

Les effets positifs des IDE ne sont pas automatiques, d’où la pertinence et l’importance du chapitre 4 sur les questions liées au développement durable. Il inclut des articles sur le droit des États de réglementer dans l’intérêt public, prévoit des normes minimales en matière d’environnement, de protection des consommateurs et des travailleurs, contient un article dédié à l’investissement et au changement climatique, réaffirmant les engagements pris au titre de la Convention-cadre des Nations Unies sur les changements climatiques et de l’Accord de Paris, et aborde le transfert de technologie.

Le PI constitue une référence en matière de réglementation des obligations de l’investisseur dans le cadre des AII

Le PI établit la norme de rééquilibrage des droits et des obligations dans l’élaboration des traités d’investissement en incluant un chapitre spécifique sur les obligations des investisseurs. Tout d’abord, il réaffirme que les obligations en vertu du protocole sont sans préjudice des obligations des parties de protéger, dans le cadre de l’investissement, les droits humains, les droits du travail, les droits des peuples autochtones et des communautés locales, ainsi que les lois et politiques dans les domaines de l’environnement, de la lutte contre la corruption, du blanchiment d’argent et de la fiscalité. Le PI précise ensuite les normes auxquelles les investisseurs doivent se conformer dans les domaines mentionnés.

Le niveau de spécificité des obligations des investisseurs est sans précédent pour un AII et devrait donc constituer un point de référence pour la réglementation des obligations des investisseurs dans les futurs traités d’investissement. En outre, le protocole réaffirme l’obligation des investisseurs de respecter les lois nationales et internationales.

L’annexe sur le futur mécanisme de règlement des différends relatifs aux investissements

Les règles et procédures régissant la prévention, la gestion et le règlement des différends entre un investisseur de l’un des États membres de l’Union africaine et l’État d’accueil dans lequel se trouve son investissement sont énoncées dans une annexe. L’article 46 indique que « cela sera négocié après l’adoption du protocole par les chefs d’État et de gouvernement, et finalisé dans un délai de 12 mois au plus tard à compter de la date d’adoption du protocole ». L’article 46 inclut une clause de rendez-vous, qui est essentiellement une clause en vertu de laquelle les parties conviennent de négocier et d’inclure des dispositions détaillées sur le règlement et la gestion futurs des différends dans le cadre du protocole. Les parties à la ZLECAf ont donc l’obligation de négocier cette annexe sur le règlement des différends en temps voulu et dans les délais impartis.

Quelle est la prochaine étape pour le continent après l’adoption ?

Le PI crée une agence panafricaine du commerce et de l’investissement chargée d’aider les agences nationales de promotion de l’investissement et le secteur privé à mobiliser des ressources financières, à favoriser le développement des entreprises et à fournir un appui technique et d’autre nature, pour la promotion et la facilitation de l’investissement conformément aux dispositions du protocole. En effet, il s’agit d’une étape importante en faveur de la création d’une architecture institutionnelle qui concrétisera une vision continentale cohérente et claire en matière d’investissement.

Dans le même esprit de rationalisation des normes d’investissement, le PI précise sa relation avec d’autres protocoles et AII conclus entre des pays africains. L’article 49 prévoit la résiliation des TBI intra-africains existants, y compris leurs clauses de survie, dans un délai de cinq ans à compter de son entrée en vigueur. S’agissant des instruments des Communautés économiques régionales (CER), le protocole propose une mise en conformité dans un délai de 5 à 10 ans. Les différences entre la première et la seconde approche résultent du fait que la plupart des TBI intra-africains sont d’ancienne génération et doivent être abrogés, tandis que les instruments des CER sont plus innovants et progressifs, et que leur contenu est largement intégré dans le protocole lui-même.

Il est probable que ce protocole influencera les futures positions de négociation des AII des pays africains et aura un impact au-delà du continent africain, établissant une nouvelle norme continentale pour la négociation ou la renégociation des traités d’investissement et des chapitres sur l’investissement dans les traités entre les États africains et les pays tiers.

Conclusion

L’accélération de la mise en œuvre effective du PI de la ZLECAf dotera la région d’un cadre d’investissement continental unique, cohérent et moderne. Il remplacera l’actuelle mosaïque vieillissante de règles d’investissement intra-africaines qui sont susceptibles d’être interprétées de manière extensive et qui manquent d’engagements efficaces en matière de promotion et de facilitation de l’investissement. Ce faisant, il donnera également l’impulsion indispensable aux pays africains pour dialoguer avec les États tiers dans le but de réviser et de réformer leurs TBI obsolètes.

Le PI stimulera de manière proactive les investissements intra-africains, qui restent en deçà de leur potentiel, et veillera, par l’intermédiaire de son agence panafricaine d’investissement, à ce que les pays africains disposent d’un mécanisme de soutien institutionnel pour les questions relatives à l’élaboration des politiques d’investissement à l’échelle du continent.

L’impact positif attendu du PI sur les IDE intra-africains ne se fera pas au détriment du droit des pays africains de réglementer et de prendre des mesures légitimes pour la protection de leurs objectifs de politique publique. Les précisions, exceptions, réserves et dérogations soigneusement rédigées garantiront que les pays africains ne protègent, dans le cadre du PI, que les investissements qui apporteront une réelle contribution positive au développement économique durable. Il faudrait féliciter les pays africains et le secrétariat de la ZLECAf pour avoir saisi l’opportunité de négocier un protocole sur l’investissement continental historique et contribué à « l’africanisation » du régime d’investissement.  Cependant, afin de tirer parti des gains substantiels réalisés au cours des négociations, les pays africains doivent œuvrer de concert pour accélérer la mise en œuvre du PI et concrétiser ses avantages pour les gouvernements, les investisseurs et les populations d’Afrique.


Auteurs

Danish (Le Centre Sud), Hamed El-Kady (Conférence des Nations Unies sur le commerce et le développement) *, Makane Moïse Mbengue (Université de Genève), Suzy Nikièma (Institut international du développement durable), Daniel Uribe (Le Centre Sud)

(Les auteurs sont membres du groupe de travail sur le protocole sur l’investissement de la ZLECAf, mandaté par le secrétariat de l’Union Africaine)

*Les opinions sont exprimées à titre personnel et ne représentent pas celles de des institutions des auteurs.

Nous tenons à remercier Sarah Brewin, Nyaguthii Maina et Josef Ostransky pour leur aide dans la préparation de ce document.


Notes

[1] L’analyse présentée dans ce document est basée sur la version soumise aux chefs d’État lors du sommet de février.