Comment transformer les lois sur l’investissement en des outils robustes au service de la gouvernance durable de l’IDE

Un nombre croissant de décideurs politiques sont préoccupés par les lois nationales relatives à l’investissement de leur pays. De nombreux pays en développement ont réécrit leur législation en matière d’investissement entre 1980 et 2010, souvent de manière à l’harmoniser davantage avec des AII obsolètes. Par conséquent, ces lois présentent un grand nombre de risques juridiques et de préoccupations politiques identiques à ceux des anciens AII. Certaines lois contiennent des dispositions particulièrement risquées, telles que

  • le consentement préalable à l’arbitrage international. De nombreux pays en développement incluent dans leurs lois sur l’investissement des dispositions qui pourraient être interprétées comme un consentement à l’arbitrage investisseur-État, sapant ainsi le rôle des tribunaux nationaux dans l’interprétation de la loi et le règlement des différends découlant de son application conformément au système juridique national général, tout en créant un risque de procédures d’arbitrage coûteuses. Cependant, rien ne prouve que le fait de consentir à l’arbitrage dans une loi sur l’investissement ait un quelconque effet sur les flux d’IDE et, à notre connaissance, aucun pays développé n’a jamais consenti à l’avance à l’arbitrage dans le cadre d’une loi sur l’investissement.
  • les incitations fiscales. La recherche a montré que de nombreuses incitations fiscales, en particulier celles basées sur les bénéfices, sont inefficaces puisqu’elles n’augmentent pas les flux durables d’IDE mais ont des coûts réels. Plutôt que d’accorder des incitations fiscales dans le droit de l’investissement, la révision et le regroupement de ces incitations dans les codes fiscaux généraux peuvent améliorer leur transparence et leur gestion.

Au-delà des préoccupations relatives aux dispositions risquées, les lois sur l’investissement méritent d’être réexaminées parce qu’elles constituent des outils polyvalents. Par le passé, elles ont été remaniées pour répondre à de nouveaux défis et opportunités, et elles peuvent à nouveau être révisées en tant qu’outils de poids pour les gouvernements qui cherchent à aligner leur politique d’investissement sur le développement durable ou sur d’autres objectifs politiques. Par exemple, les lois sur l’investissement peuvent jouer un rôle décisif dans la mise en œuvre de nouvelles normes ou politiques relatives aux entreprises et aux droits humains, au financement de l’action climatique et à l’impôt minimum mondial. Cet article formule deux recommandations à l’intention des décideurs politiques préoccupés par les lois sur l’investissement et désireux de les repenser afin de relever les défis de leur pays.

Tout d’abord, il convient de clarifier les fonctions que la législation sur l’investissement est censée remplir et le lien entre ces fonctions et les objectifs plus généraux de la législation. Une première étape cruciale de tout processus de réforme consiste à identifier les objectifs politiques de haut niveau qu’une loi sur l’investissement vise à atteindre, par exemple la promotion du développement durable.

Les lois sur l’investissement réalisent à l’heure actuelle un éventail de fonctions, notamment

  • régir l’admission et l’approbation de nouveaux IDE,
  • octroyer et gérer les incitations à l’investissement,
  • faciliter l’investissement,
  • garantir la protection juridique de l’IDE,
  • instaurer ou préciser un système de gestion des différends investisseurs-État,
  • préciser les obligations et responsabilités des entreprises multinationales,
  • suivre et superviser les investissements étrangers.

Toutefois, les lois sur l’investissement ne devraient pas nécessairement chercher à remplir toutes ces fonctions. Certaines d’entre elles, telles que l’octroi d’incitations à l’investissement, sont mieux régies par les codes fiscaux généraux, comme nous l’avons vu plus haut, et il est préférable de ne pas les inclure dans les lois sur l’investissement. La question de savoir si d’autres fonctions doivent être remplies par la loi sur l’investissement ou par des lois d’application générale, complétées par des réglementations sectorielles, dépend du contexte national et des objectifs des décideurs politiques. L’essentiel est de reconnaître que les lois sur l’investissement peuvent remplir de nombreuses fonctions différentes, de clarifier les fonctions que la loi en question est censée remplir et de veiller à ce que la réalisation des fonctions sélectionnées s’aligne sur les objectifs supérieurs de la loi.

Deuxièmement, il faut veiller à ce que le contenu des lois sur l’investissement soit conforme à leurs objectifs et à leurs fonctions. Une fois que les décideurs politiques ont décidé des objectifs et des fonctions que la loi doit servir, la question cruciale est la suivante : comment concevoir le contenu de la loi pour qu’elle remplisse au mieux les fonctions attribuées ? Par exemple, une formulation générale exigeant des entreprises multinationales qu’elles adoptent un comportement durable n’a pas été aussi efficace que de rappeler que toute activité commerciale d’une entreprise multinationale est directement soumise aux lois environnementales et aux procédures d’approbation pertinentes, y compris le régime d’évaluation de l’impact environnemental et social prévu dans d’autres instruments de droit interne.

Plusieurs pays ont décidé de ne pas se doter d’une loi sur l’investissement. Les décideurs politiques qui décident de se doter d’une loi sur l’investissement souhaiteront peut-être se poser une série de questions au moment de concevoir ou de remanier leurs lois. Par exemple, « Comment cette loi s’articulera-t-elle avec nos lois d’application générale ? » et « Quelle est la meilleure structure institutionnelle pour la gestion ou l’application de la loi sur l’investissement ? ». Les questions que nous invitons les décideurs à se poser et auxquelles ils devraient répondre sont les mêmes dans tous les pays, mais les réponses peuvent varier, car il n’existe pas de modèle unique ou de meilleure pratique pour une loi sur l’investissement.

En conclusion, des lois sur l’investissement mal conçues peuvent présenter des risques pour les gouvernements, tandis que des lois bien conçues peuvent constituer des outils robustes permettant aux gouvernements d’aligner leurs politiques d’investissement sur leurs objectifs nationaux en matière de développement durable.


Auteurs

Jonathan Bonnitcha (j.bonnitcha@unsw.edu.au) est professeur associé à l’Université de Nouvelle-Galles du Sud et associé principal à l’Institut international du développement durable (IISD).

Suzy Nikiéma (snikiema@iisd.org) est directrice de l’investissement durable à l’IISD et chargée de cours à l’Université Saint Thomas d’Aquin et à l’Université Aube Nouvelle au Burkina Faso.

Taylor St John (taylor.stjohn@st-andrews.ac.uk) est professeur adjoint à l’Université de St Andrews et chercheur à la Faculté de droit de l’Université d’Oslo.

Les auteurs souhaitent remercier Martin Dietrich Brauch pour sa précieuse validation.