La nouvelle loi égyptienne relative à l’investissement met l’accent sur le développement durable et la facilitation

À l’heure où le monde est témoin des changements fondamentaux ayant lieu aux échelons national et international en faveur d’une nouvelle génération de traités, de lois, de politiques et de réglementations de l’investissement, l’Égypte contribue à ce processus par le remaniement de ses cadres juridiques national et international régissant l’investissement.

L’élément saillant de cette contribution est la nouvelle Loi égyptienne relative à l’investissement n° 72 de 2017[1]. En remplacement d’une loi relative aux investissements datant de plus de vingt ans, la nouvelle loi marque un tournant manifeste de la politique d’investissement, mettant l’accent sur la qualité des IED plutôt que sur leur quantité, conformément à la Stratégie égyptienne pour le développement durable adoptée en 2015 (la Vision 2030 de l’Égypte)[2].

La nouvelle loi encourage les investissements nationaux et étrangers qui contribuent au développement durable et respectent les normes d’une conduite commerciale responsable. Elle offre également des mesures incitatives et de facilitation, dans le cadre d’un équilibre entre les droits et les obligations des investisseurs et des États.

Le développement durable, l’un des principaux objectifs de l’investissement en Égypte

Cette tendance émerge clairement dans la définition de « l’investissement » qui implique « d’utiliser l’argent aux fins de l’établissement, de l’expansion, du développement, du financement, de la possession ou de la gestion d’une entreprise d’investissement d’une manière qui contribue au développement durable et global de l’État » (art. 1). Au titre de la loi, ce même concept du développement durable apparait comme l’un des principaux objectifs de l’investissement en Égypte (art. 2).

Les principes régissant l’investissement en Égypte

La nouvelle loi identifie également huit principes régissant l’investissement et s’appliquant aux investisseurs comme à l’État. Ces principes incluent (art. 3-8) :

  1. L’égalité des opportunités d’investissement et la non-discrimination,
  2. Le soutien aux entreprises émergentes, aux entrepreneurs et aux micro, petites et moyennes entreprises (MPME),
  3. La prise en compte de la dimension sociale, de la santé publique et de la protection de l’environnement,
  4. La libre concurrence, la prévention des monopoles et la protection des consommateurs,
  5. Le respect des principes de gouvernance, de transparence, de gestion prudente et d’intérêts non-concurrents,
  6. Le maintien de la stabilité des politiques d’investissement,
  7. La célérité et la facilitation des transactions des investisseurs,
  8. La préservation des intérêts publics et de sécurité nationale.

Les garanties et les sauvegardes

La nouvelle loi conserve les sauvegardes fondamentales offertes aux investisseurs notamment concernant les normes générales de traitement, l’entrée et le séjour des investisseurs étrangers, la protection contre la nationalisation, l’expropriation abusive et la confiscation, les avertissements donnés avant la révocation ou la suspension d’une licence, les transferts de fonds, le droit de recruter des employés étrangers, et l’exécution des contrats conclus avec l’État (art. 3 à 8).

Les mesures incitatives de l’investissement

La loi offre en outre tout un ensemble de mesures incitatives générales, spéciales, procédurales et de financement supplémentaire de l’investissement. Les mesures spéciales soutiennent par exemple les entreprises axées sur le développement, sur une base géographique et sectorielle. Les investisseurs peuvent ainsi déduire de leurs profits nets imposables 50 pour cents de leurs coûts d’investissements dans le secteur A, et 30 pour cents dans le secteur B. Le secteur A englobe les zones du pays ayant des besoins urgents en développement, tandis que le secteur B englobe tout le reste du pays (art. 11). Le secteur B vise les entreprises opérant dans des secteurs directement liés au plan de développement de l’Égypte, notamment les secteurs intensifs en main d’œuvre, les secteurs orientés à l’export, les MPME, les énergies renouvelables, les mégaprojets, ainsi qu’une liste d’autres secteurs.

La facilitation de l’investissement

S’agissant de la facilitation de l’investissement, une avancée fondamentale a été introduite en 2004 par l’Autorité générale de l’investissement (AGI) : le guichet unique. Quant à elle, la nouvelle loi a créé le Centre de service à l’investisseur en vue de faciliter l’établissement des entreprises et l’émission des approbations, permis et licences requis pour établir ou gérer les entreprises d’investissement, et d’offrir entre autres des services de suivi, conformément au droit égyptien (art. 21). Dans la même veine, la loi exige l’automatisation et l’unification des procédures relatives aux services pré- et post-établissement, notamment l’établissement électronique (art. 48). En outre, elle exige la mise à disposition, sur les sites Internet et dans les publications des autorités compétentes, d’un « Manuel de l’investisseur » regroupant les conditions, les procédures et les dates relatives à l’obtention des propriétés immobilières et à l’émission des approbations, permis et licences relatifs à l’investissement (art. 19).

La responsabilité sociale des entreprises

Pour soutenir la RSE, la loi offre des avantages fiscaux aux investisseurs qui consacrent une part de leurs profits annuels à la création de systèmes de développement social en dehors du cadre de leurs projets, notamment dans les domaines de la protection de l’environnement, de la santé, des services sociaux et culturels, de l’éducation technique, de la recherche et du développement (art. 15). En vue de lutter contre la corruption, la loi refuse d’accorder sa protection, ses sauvegardes, privilèges et exemptions aux entreprises établies sur la base de la tromperie, de la fraude ou de la corruption (art. 3).

Le règlement des différends

La loi prévoit des mécanismes à niveaux multiples pour le règlement des différends relatifs à l’investissement, notamment les procédures judiciaires nationales, le règlement à l’amiable et le règlement alternatif des différends (RAD), ainsi qu’un examen administratif mené par trois comités spécialisés :

  1. Au seins de l’AGI, le Comité des plaintes examine les plaintes déposées à l’encontre des décisions émises conformément aux dispositions de la nouvelle loi par l’AGI ou par les autorités compétentes pour l’émission des approbations, permis et licences.
  2. Le Comité ministériel pour le règlement des différends relatifs à l’investissement examine les demandes, les plaintes et les différends entre investisseurs ou impliquant une entité, une autorité ou une entreprise de l’État.
  3. Le Comité ministériel pour le règlement des différends relatifs aux contrats d’investissement règle les différends découlant des contrats d’investissement auxquels l’État ou l’une de ses entités, autorités ou entreprises est partie.

En outre, sous réserve d’un accord entre l’État et l’investisseur, la loi autorise le règlement par le biais d’un arbitrage national, international ad hoc, ou institutionnel. Finalement, la loi créé le Centre égyptien d’arbitrage et de médiation, un centre indépendant chargé de régler les différends entre investisseurs ou impliquant des entités gouvernementales (art. 82 à 91).

La relation entre la nouvelle loi et la réforme des traités

La promulgation de ce nouveau code de l’investissement constitue une étape importante qui traduit l’intention du gouvernement égyptien d’adopter une nouvelle génération de réglementations de l’investissement au niveau national, dans le but de soutenir et d’accentuer ses efforts en vue de la refonte de son réseau d’AII, notamment ses TBI.

Les efforts de l’Égypte en vue de réformer son cadre juridique international régissant les investisseurs étrangers en Égypte ont débuté avec la création du modèle de TBI égyptien en 2007, et ses mises à jours successives. Ce modèle sert de feuille de route pour la négociation des investissements, et vise à obtenir une cohérence des contenus et libellés de fond des TBI égyptiens, et d’attirer un IED qui soutienne le développement durable tout en conservant un équilibre entre les droits et obligations des investisseurs, en réduisant le nombre des différends fondés sur les traités, et en développant un mécanisme efficace et flexible de règlement des différends relatifs à l’investissement.


Auteur

Moataz Hussein (docteur), est un spécialiste des AII auprès de l’Autorité générale pour l’investissement (AGI), sous l’égide du ministère égyptien de l’Investissement et de la Coopération internationale. Les opinions exprimées par l’auteur ne reflètent pas nécessairement celles de l’AGI.


Notes

[1] Loi égyptienne relative à l’investissement n°72 de 2017, publiée dans le bulletin officiel du 31 mai 2017, article (1). Tiré de http://www.gafi.gov.eg/English/StartaBusiness/Laws-and-Regulations/PublishingImages/Pages/BusinessLaws/Investment%20Law%20english%20ban.pdf

[2] http://www.cabinet.gov.eg/English/GovernmentStrategy/Pages/Egypt%E2%80%99sVision2030.aspx