Une nouvelle loi pour sécuriser les terres au profit des paysans maliens
Le 11 avril 2017, le Président malien a promulgué la loi foncière agricole (LFA) adoptée par l'Assemblée nationale 10 jours plus tôt. C'est la première fois dans l'histoire législative du Mali qu'une loi est spécifiquement adoptée pour traiter des terres agricoles.
Le 11 avril 2017, le Président malien a promulgué la loi foncière agricole (LFA) adoptée par l'Assemblée nationale 10 jours plus tôt. C'est la première fois dans l'histoire législative du Mali qu'une loi est spécifiquement adoptée pour traiter des terres agricoles.
Ce type de terre a toujours été régi par les coutumes et le droit étatique, y compris le Code domanial et foncier, les lois de la décentralisation et la Charte pastorale. La nouvelle loi représente donc un moment crucial pour les communautés rurales au Mali.
Je suis un juriste malien qui travaille avec l'IIDD et suis également professeur adjoint à l'Université des sciences juridiques et politiques de Bamako. Le processus de préparation de cette loi a débuté par l'élaboration d'un document de politique. J’ai activement participé à l’élaboration de cette politique qui a ouvert la voie à la loi. En outre, avec d’autres collègues, nous avons fourni une assistance technique et juridique aux organisations d'agriculteurs tout au long de la phase de consultation. La politique et la loi ont été adoptées dans le cadre de la loi d'orientation agricole (LOA), qui a été adoptée en septembre 2006, et qui est maintenant le document de référence pour l'élaboration des politiques agricoles au Mali.
J'ai été chargé d'analyser le cadre juridique et politique des terres agricoles au Mali pour le document de politique, qui a été adoptée en décembre 2014 après une consultation avec les principales parties prenantes dans toutes les régions administratives du Mali. J'ai voyagé dans certaines de ces régions pour expliquer la politique et recueillir les commentaires et les contributions de ces acteurs.
Cette expérience m'a montré l'importance d'inclure toutes les parties prenantes dans la rédaction et la conception de nouvelles lois et politiques applicables à l'agriculture et du sentiment d'autonomisation que les poplutions rurales ressentent lorsqu'ils sont inclus dans la législation.
La politique et la loi foncière agricoles sont parmi les innovations clés pour fournir une solution durable à l'insécurité foncière des communautés rurales. Cette insécurité est due à de nombreux facteurs abordés par la nouvelle loi, y compris entre autres la coexistence de la tenure coutumière et de celle issue des lois écrites, une gouvernance faible, la marginalisation des droits des femmes, des procédés d’officialisation trop lourds et le manque de connaissance des lois et des processus au niveau des citoyens.
Nous avons réussi à créer un nouveau cadre juridique qui renforce les droits fonciers coutumiers, améliore la gouvernance, renforce les droits des femmes et facilite la compréhension des lois et des processus par les populations rurales. Qu'avons-nous atteint concrètement?
Des droits coutumiers plus solides
Tout d'abord, les lois précédentes considéraient les terres coutumières non enregistrées comme des terres de l'État, ce qui permettait au gouvernement de prendre ces terres au besoin. La nouvelle loi stipule clairement, comme le soutenaient les agriculteurs dans leurs campagnes, qu'aucune terre détenue en vertu des lois coutumières ne sera incluse dans les terres de l'État. Deuxièmement, la loi prévoit la documentation des droits fonciers coutumiers en créant deux nouveaux types de titres, les attestations de détention coutumière et les attestations de possession foncière. Les deux certificats ont une grande valeur juridique pour les agriculteurs et les communautés rurales, car elles peuvent être transmises aux héritiers, vendues et utilisées comme garantie pour les prêts. Enfin, la loi reconnaît le droit aux communautés rurales de posséder collectivement certaines terres, y compris des espaces reconnus comme vitaux pour les communautés et leurs familles. Ces terres sont gérées par les coutumes et les traditions en vigueur dans les communautés concernées.
Une gouvernance améliorée
Deux nouvelles institutions seront créées. La première est la commission foncière villageoise et de fraction, qui facilitera les concertations sur les problèmes fonciers et l’officialisation des droits fonciers coutumiers. Les conflits fonciers feront désormais l’objet d’une procédure de conciliation devant ces commissions avant d'être soumis aux tribunaux. La seconde institution créée est l'observatoire national des terres agricoles. L'observatoire documentera les problèmes fonciers et assurera le suivi de la loi foncière agricole et des pratiques foncières en milieu rural. L’observatoire publiera régulièrement des informations sur l'évolution de la situation des terres agricoles dans le pays et les meilleures pratiques et alertera le gouvernement sur les risques potentiels.
La loi renforce également la décentralisation dans la gestion des terres agricoles en attribuant un rôle clé aux municipalités, appelées « communes » dans le système malien, dans l'enregistrement des droits fonciers. Il existe deux nouveaux registres qui seront gérés par les autorités municipales, notamment le maire : le registre de la possession foncière et le registre des transactions foncières. Gérer toutes ces questions au niveau local apportera une stabilité dans la gestion des terres et créera une approche ascendante pour intégrer les systèmes coutumiers au système de droit écrit.
Les droits des femmes
Malgré une constitution interdisant la discrimination fondée sur le genre, il est traditionnellement très difficile pour les femmes de posséder des terres au Mali. Elles ont généralement des droits temporaires d'utilisation des terres, qui peuvent leur être retirés à tout moment. Pour contourner cette situation et améliorer leur sécurité foncière, les femmes forment souvent des associations pour demander des terres pour leur usage collectif. La nouvelle loi s'inspire de cela pour renforcer l'accès des femmes aux terres en exigeant que 15% des terres publiques soient allouées aux associations de femmes (et à d'autres groupes vulnérables comme les jeunes).
Cependant, la disposition qui reconnaît le droit aux communautés rurales de posséder collectivement certaines terres sur la base du droit coutumier et la tradition, présentée plus haut, pourrait perpétuer la discrimination fondée sur le sexe. Les femmes sont désavantagées par le caractère discriminatoire inhérent à certaines de ces coutumes et traditions, de sorte que ces droits fonciers collectifs pourraient porter entrave à la sécurité foncière des femmes. La loi devrait inclure des dispositions pour protéger les femmes dans ces cas. Nous avons essayé plusieurs fois de répondre à cette question, mais en fin de compte, le projet final a été adopté sans inclure des dispositions interdisant la discrimination fondée sur le genre dans la gestion coutumière des terres, ce qui aurait amélioré les coutumes selon les normes actuelles sur ces questions.
La formation et la sensibilisation
S'il y a des leçons à tirer de l'adoption de la nouvelle loi et de la politique foncière, la principale sera l'importance d'inclure toutes les parties prenantes dans la préparation d'une politique de développement rural en général et de la réforme foncière en particulier. Les agriculteurs ont joué un rôle important lorsqu'ils ont été consultés et ont contribué à façonner la loi lorsqu'ils ont reçu les formations et participé aux activités de sensibilisation que nous avons organisées pour eux.
En fin de compte, toutes les parties prenantes ont eu l'occasion d'exprimer leurs points de vue et les préoccupations à prendre en compte dans le cadre de l’élaboration de la nouvelle loi. Malgré que la nouvelle politique soit plus complète et comprend beaucoup de ces points de vue et préoccupations, la loi est cependant plus concise et tient mieux compte des actions concrètes possibles en ce moment. Il y a encore des choses à préciser et à clarifier dans les mesures de mise en œuvre, mais il y a également des lacunes que les agriculteurs et les communautés rurales continueront à chercher à améliorer.
Nous continuerons d'aider à résoudre ces problèmes et ces faiblesses dans le cadre de la mise en œuvre.
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