M. Ali de la ZLECAf : préparez-vous à une augmentation des échanges africains grâce à l’initiative de commerce guidé
La zone de libre-échange continentale africaine (ZLECAf) tant attendue est presque en marche. Jennifer Freedman, rédactrice en chef de la revue Trade and Sustainability de l’IISD, détaille ce qui doit être fait pour finaliser l’initiative de commerce guidé.
À vos marques, prêts, partez ! La course est lancée pour que la Zone de libre-échange continentale africaine (ZLECAf), longtemps retardée, soit pleinement opérationnelle.
Mais la seule façon d’atteindre cette ligne d’arrivée spécifique est de conclure les négociations sur les règles d’origine – une étape clé pour harmoniser les règles et déterminer la nationalité des produits qui seront échangés à travers l’Afrique dans le cadre de la ZLECAf. Cette étape est importante pour garantir que seuls les produits africains authentiques bénéficient de concessions tarifaires et que ces produits peuvent en effet être échangés dans le cadre du régime préférentiel de la ZLECAf.
Les signataires de la ZLECAf élimineront progressivement les droits de douane sur 90 % des marchandises d’ici à 2030 au plus tard. Ils disposeront d’un délai supplémentaire pour éliminer les droits de douane sur 7 % des marchandises considérées comme sensibles, le reste étant exclu.
Alors qu’au moins 46 des 54 membres de l’accord ont soumis des listes de réduction tarifaire, ils marchandent encore à propos des textiles et des véhicules à moteur, qui représentent environ 10 % des règles d’origine. Les règles spécifiques aux produits dans ces secteurs sont généralement plus restrictives, et leurs marges préférentielles moyennes sont deux fois supérieures à la moyenne des secteurs dans lesquels des règles spécifiques aux produits ont déjà été approuvées.
Mohamed Ali, Directeur du commerce des marchandises et de la concurrence du Secrétariat de la ZLECAf, adopte une approche optimiste des négociations sur les règles d’origine, notant qu’environ 90 % d’entre elles ont été approuvées. Et, dit-il, le Secrétariat a élaboré un plan pour aider les pays de la ZLECAf à franchir la ligne d’arrivée.
La ZLECAf « va au-delà d’une simple réduction des droits de douane ; elle permet aux investisseurs d’avoir accès à cet immense marché qui attirera les investissements, grâce à des règles d’origine qui donnent la priorité aux intrants africains et aux biens et services à valeur ajoutée.
« Le Secrétariat a élaboré des stratégies complémentaires qui combinent des éléments de politique commerciale et le développement des chaînes de valeur pour accélérer la conclusion des négociations dans les domaines de l’automobile et du textile », a déclaré M. Ali dans un entretien. « En outre, les ministres en charge du commerce se sont récemment mis d’accord sur les trois protocoles de la phase 2 des négociations de la ZLECAf : les droits de propriété intellectuelle, l’investissement et la politique de concurrence ».
Il note également que la ZLECAf « va au-delà d’une simple réduction des droits de douane ; elle permet aux investisseurs d’avoir accès à cet immense marché qui attirera les investissements, grâce à des règles d’origine qui donnent la priorité aux intrants africains et aux biens et services à valeur ajoutée. En outre, les interventions de commerce guidé nous permettent de promouvoir le développement de chaînes de valeur régionales intra-africaines dans les domaines stratégiques clés, notamment l’automobile, l’agroalimentaire, les produits pharmaceutiques, ainsi que les transports et la logistique ».
Cinq instruments clés ont été adoptés pour rendre l’accord opérationnel, indique M. Ali. Il s’agit du système de paiement et de règlement panafricain, d’un mécanisme de surveillance des obstacles non tarifaires, de l’observatoire africain du commerce, du livre des tarifs électroniques et du fonds d’ajustement de la ZLECAf destiné à faire face aux pertes de recettes anticipées à court terme. Par ailleurs, divers outils/réglementations essentiels, notamment le manuel des règles d’origine, la documentation douanière et les initiatives de facilitation du commerce, sont en place pour soutenir la mise en œuvre de la ZLECAf.
Le lancement des échanges dans le cadre de l’accord a été retardé de plusieurs mois en raison de la pandémie de COVID-19. Aujourd’hui encore, deux ans après l’ouverture en fanfare de la zone de libre-échange de l’Afrique, ce lancement est considéré comme largement symbolique, puisque la mise en œuvre complète de l’accord devrait prendre des années. La ZLECAf est toujours confrontée à de nombreux défis, qu’il s’agisse de la faiblesse des infrastructures, des troubles politiques, de la bureaucratie excessive aux frontières, de la petite corruption ou du fait que 10 des 54 signataires n’ont pas encore ratifié l’accord.
L’initiative GTI vise à donner un coup d’accélérateur au commerce intrarégional
Pourtant, plusieurs pays africains ont finalement commencé à échanger des marchandises dans le cadre de la ZLECAf grâce à un nouveau projet pilote appelé l’initiative de commerce guidé (GTI, selon l’acronyme anglais). Annoncée en juillet par le Secrétaire général de la ZLECAf, Wamkele Mene, la GTI soutient les commerçants de huit pays – le Cameroun, l’Égypte, le Ghana, le Kenya, Maurice, le Rwanda, la Tanzanie et la Tunisie – dans les échanges de certaines marchandises, tels que les piles, le caoutchouc, le sucre, les produits carnés transformés, les fruits secs, les pâtes et les carreaux de céramique. Dans un premier temps, 96 produits seront échangés en franchise de droits et sans contingents dans le cadre de la GTI, un nombre qui doublera ou triplera en 2023, selon M. Mene, et l’initiative sera réexaminée chaque année pour y ajouter des pays.
Le Secrétariat de la ZLECAf indique que la GTI atteindra son objectif en mettant en relation les entreprises et les produits à exporter et à importer entre les pays intéressés, en coordination avec leurs comités nationaux de mise en œuvre de la ZLECAf. Il précise que l’initiative « vise à tester l’environnement opérationnel, institutionnel, juridique et de politique commerciale dans le cadre de la ZLECAf et à envoyer un message positif important » aux entreprises africaines.
« Grâce à la GTI, nous soutenons des échanges commerciaux significatifs dans le cadre de la ZLECAF, pour les États membres qui ont indiqué leur volonté de prendre part à cette initiative », a déclaré M. Ali. « C’est un pas dans la bonne direction. Nous devons nous rappeler que tout projet d’intégration régionale est un processus et non un événement ponctuel. Nous continuerons à nous appuyer sur les fondements de l’Initiative de commerce guidé à mesure que nous avancerons ».
Le média allemand Deutsche Welle a rapporté le 5 décembre que le Kenya avait exporté vers le Ghana deux lots de batteries de voitures et de camions certifiés ZLECAf (d’une valeur d’environ 60 000 USD par conteneur), ainsi qu’un lot de thé cultivé au Kenya. Et Igire Coffee, une entreprise rwandaise dirigée par des femmes, a expédié 105 kilogrammes de grains de café arabica torréfiés au Ghana, « d’autres devant suivre », selon Deutsche Welle.
C’est un pas dans la bonne direction. Nous devons nous rappeler que tout projet d’intégration régionale est un processus et non un événement ponctuel.
La GTI vise à démontrer l’efficacité du cadre juridique des instruments de la ZLECAf, à générer un retour d’information sur l’efficacité des systèmes juridiques et institutionnels nationaux dans les pays participants, à tester la volonté du secteur privé de participer au commerce sous le régime de l’accord, et à identifier les interventions futures possibles pour accroître le commerce intra-africain et maximiser les avantages de la ZLECAf, explique M. Ali.
Cette initiative ouvre la voie à une intensification des échanges commerciaux dans le cadre de la ZLECAf, ajoute-t-il. « La tâche à accomplir, en collaboration avec nos parties prenantes respectives, est de mobiliser le secteur privé afin de renforcer et de rendre opérationnel le plein potentiel de la ZLECAf. Jusqu’à présent, des échanges ont lieu et des opportunités commerciales ont été identifiées pour plus de 100 produits par les États parties participant à l’initiative », a-t-il déclaré. « L’initiative de commerce guidé est une démonstration que les échanges dans le cadre de l’accord sont possibles ».
Si l’un des critiques a salué l’approche de la GTI consistant à établir des jumelages, il s’est demandé si le commerce pouvait simplement découler de la « volonté politique » et s’il ne serait pas préférable de s’attaquer aux obstacles commerciaux. Mais selon M. Ali, la volonté politique est « la seule raison pour laquelle nous avons un accord continental qui prend des mesures réelles et audacieuses en faveur de l’intégration ». La GTI est un « outil pragmatique et très efficace pour identifier et aider à éliminer les obstacles administratifs auxquels les commerçants peuvent être confrontés », a-t-il ajouté. « L’objectif n’a jamais été d’utiliser le commerce guidé comme un substitut à la manière normale de commercer, mais de démontrer l’efficacité de la ZLECAf et d’ouvrir la voie au secteur privé ».
Un outil de politique commerciale pour lutter contre les obstacles
L’Afrique dispose d’un grand potentiel pour s’industrialiser et ajouter de la valeur à des biens qui sont aujourd’hui importés en quantités énormes, tels que les huiles de pétrole (dont les importations dépassent les 55 milliards USD), les céréales (22 milliards USD), les produits pharmaceutiques (20 milliards USD), le blé (16 milliards USD), les graisses végétales animales (11 milliards USD) et les engrais (5 milliards USD), indique M. Ali. « En outre, la population jeune et innovante du continent, la classe moyenne en pleine expansion et les ressources naturelles abondantes sont autant d’éléments susceptibles de stimuler le commerce de la ZLECAf à court et à long termes », ajoute-t-il.
La ZLECAf vise à rassembler 1,3 milliard de personnes dans un bloc économique de 3,4 billions USD qui sera la plus grande zone de libre-échange mesurée sur la base du nombre de pays participants. Ses partisans affirment qu’elle stimulera les échanges entre les pays africains des différentes sous-régions tout en permettant au continent de développer ses propres chaînes de valeur. Le commerce intra-africain ne représente que 15 % du commerce total – bien en deçà du commerce intrarégional dans d’autres parties du monde comme l’Europe, où il est de 67 %, et l’Asie, où il est de 60 %.
« De très nombreux facteurs contribuent au faible niveau des échanges intra-africains », a déclaré M. Ali. « Certains d’entre eux dépassent notre mandat en tant que secrétariat au commerce. Cependant, nous utilisons la ZLECAf comme un outil de politique commerciale pour surmonter ces obstacles, et nous continuerons d’œuvrer avec d’autres parties prenantes africaines pour traiter d’autres questions non politiques ».
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