L’Accord de facilitation des investissements pour le développement : pourquoi est-il important ?
Les discussions sur l’Accord sur la facilitation de l’investissement pour le développement (Accord FID) viennent de s’achever. Rashmi Jose analyse l’évolution du processus de négociation, connu sous le nom d’initiative conjointe, l’importance de l’accord potentiel pour le développement durable et ce à quoi nous pouvons nous attendre par la suite, en particulier dans la perspective de la prochaine Conférence ministérielle (CM13).
Les plus de 110 Membres de l’Organisation mondiale du commerce (OMC) participant aux discussions en vue d’un accord sur la facilitation de l’investissements pour le développement (Accord FID) ont annoncé une étape majeure le 6 juillet : la conclusion des négociations sur le texte de l’accord. En reconnaissance de cette étape importante, cet article propose un aperçu de l’évolution du processus de négociation de l’Accord FID, connu sous le nom de processus d’Initiative conjointe, et des raisons pour lesquelles l’accord potentiel est important, notamment s’agissant des objectifs de développement et de développement durable qu’il cherche à réaliser. Cet article explore également ce que l’on peut attendre du processus, en particulier dans la perspective de la prochaine Conférence ministérielle (CM13) prévue en février 2024 à Abou Dhabi.
La genèse des négociations de l’Accord FID
Les Membres de l’OMC ont pour la première fois exprimé officiellement leur intérêt pour de nouvelles règles sur la facilitation de l’investissement lors de la 11ème Conférence ministérielle de Buenos Aires en 2017. Un groupe de 70 Membres de pays développés, de pays en développement et de pays les moins avancés (PMA) ont déclaré qu’ils poursuivraient des discussions structurées dans le but de créer des règles multilatérales sur la facilitation de l’investissement. Après trois ans de discussions préparatoires, les négociations officielles ont débuté en septembre 2020. Aujourd’hui, après trois ans de discussions et avec plus de 40 participants supplémentaires au processus, les Membres ont finalisé le texte juridique de l’Accord FID.
Il ne doit pas être interprété comme une tentative visant à créer un ensemble plus large de règles multilatérales sur la gouvernance des investissements au sein de l’OMC.
Si l’Accord FID est finalement intégré, il deviendra le deuxième accord relatif à l’investissement dans l’architecture des traités de l’OMC, après l’Accord sur les mesures d’investissement liées au commerce de 1995. Les partisans de l’Accord FID soulignent qu’il ne doit pas être interprété comme une tentative visant à créer un ensemble plus large de règles multilatérales sur la gouvernance des investissements au sein de l’OMC. Le texte de négociation de l’Accord FID clarifie le champ d’application et précise que les questions traditionnelles de gouvernance des investissements, telles que la protection des investissements, le règlement des différends entre investisseurs et États et l’accès aux marchés d’investissement, ne relèvent pas du champ d’application de l’Accord.
Que contient l’Accord FID ?
L’Accord vise à faciliter les flux d’investissements étrangers directs (IED) entre les Membres, en particulier vers les pays en développement et les pays les moins avancés Membres, afin de favoriser le développement durable. Ses dispositions se concentrent sur la facilitation de l’investissement et visent à relever les défis liés aux obstacles bureaucratiques et au manque de transparence, ainsi qu’à promouvoir la coopération dans le cadre des activités de facilitation de l’investissement.
Ses dispositions se concentrent sur la facilitation de l’investissement et visent à relever les défis liés aux obstacles bureaucratiques et au manque de transparence.
Les règles incluses dans l’Accord peuvent être classées en quatre catégories. La première consiste à améliorer la transparence des mesures concernant les investissements. Les gouvernements, par exemple, doivent veiller à ce que les informations sur les mesures relatives à l’IED (telles que les lois et les réglementations) soient accessibles au public. Cela permettra de réduire l’incertitude pour les investisseurs et d’améliorer leur confiance dans l’environnement dans lequel ils investissent, ce qui est utile pour faciliter les IED.
La deuxième catégorie est constituée de règles qui simplifient et accélèrent les procédures administratives. Les efforts se concentrent sur la réduction des obstacles bureaucratiques en veillant à ce que les procédures d’autorisation pour les IED entrants soient mises en œuvre de manière efficace, transparente et fiable.
La troisième catégorie concerne les efforts visant à améliorer la coopération, non seulement entre les Membres eux-mêmes, mais aussi entre le gouvernement et les investisseurs. Par exemple, les gouvernements doivent échanger leurs pratiques optimales et expériences en matière de facilitation de l’investissement et maintenir des points de contact chargés de répondre aux questions des autres Membres ou des investisseurs. Dans le cadre de cette catégorie, les Membres ont également convenu de promouvoir les flux d’« investissements durables » en s’engageant, par exemple, à élaborer des politiques de lutte contre la corruption et en encourageant les entreprises étrangères opérant dans leur juridiction à adopter des pratiques de conduite responsable des entreprises (CRE).
La dernière catégorie se concentre sur l’octroi d’un traitement spécial et différencié (TSD) aux pays en développement et aux PMA. L’approche du TSD, qui s’inspire de l’Accord de l’OMC sur la facilitation des échanges, reconnaît que les pays en développement et les PMA Membres peuvent ne pas disposer des ressources et des capacités nécessaires à la mise en œuvre immédiate des mesures de l’Accord. Alors que les pays développés Membres sont censés mettre en œuvre toutes les règles au moment de l’entrée en vigueur de l’Accord, les pays en développement et les PMA Membres peuvent choisir de programmer la mise en œuvre des mesures de manière plus échelonnée et en fonction de la disponibilité du soutien au renforcement de leurs capacités.
Le développement durable et la dimension du développement
Les règles de ces catégories devraient non seulement faciliter les flux d’IED, mais aussi aider les pays en développement et les PMA Membres à participer davantage aux flux mondiaux d’IED et à soutenir l’objectif plus large de promotion du développement durable.
S’agissant de la dimension du développement durable, l’on s’attend à ce que la mise en œuvre de l’accord favorise la facilitation de l’IED, ce qui conduira à des résultats en matière de développement durable. L’inclusion de dispositions spécifiques relatives à l’« investissement durable » devrait également être bénéfique en raison de l’accent mis sur la promotion d’investissements de meilleure qualité.
Une analyse récente de N. Jansen Calamita note toutefois que l’Accord ne contient aucune disposition opérationnelle visant à simplifier l’investissement en faveur du développement durable. Au contraire, l’objectif premier de ces dispositions est de faciliter tous les IED, sans se préoccuper de savoir si ces investissements permettraient d’atteindre les objectifs de développement durable. M. Calamita reconnaît les dispositions ciblées sur l’investissement durable qui ont été incluses, mais s’interroge sur la logique de l’application de l’obligation de CRE aux pays d’accueil plutôt qu’aux pays d’origine (étant donné que les pays exportateurs de capitaux sont plus riches et peuvent donc contrôler et faire respecter les règles). Il note également que la disposition relative à la CRE est la seule discipline qui ne peut être invoquée dans le cadre d’une procédure de règlement des différends et qu’elle fonctionne donc comme une obligation minimale pour les Membres.
S’agissant de la dimension du développement, l’on espère que l’établissement d’un cadre mondial contraignant aidera les pays en développement et les PMA Membres à engager les réformes globales utiles à la promotion de l’IED. Certains de ces Membres sont toutefois préoccupés par le fait d’accepter des disciplines contraignantes soumises à des procédures de règlement des différends. Ils se demandent si leurs efforts de réforme ne devraient pas plutôt continuer à être guidés par des cadres internationaux pouvant être mis en œuvre sur une base volontaire, tels que le Menu d’action global pour la facilitation des investissements de la Conférence des Nations Unies sur le commerce et le développement.
Une autre préoccupation en matière de développement concerne le soutien au renforcement des capacités. Comme indiqué plus haut, les mesures de l’Accord FID ne couvrent pas l’accès au marché. La plupart des dispositions sont des engagements relatifs à la gouvernance transfrontalière. Ce type d’obligations nécessite des réformes chronophages qui impliquent la mise en place de structures de coopération et le renforcement des capacités à tous les niveaux du gouvernement.
Les Membres participant aux négociations sur l’Accord FID ont convenu que l’une des fonctions du Comité de facilitation de l’investissement de l’accord sera de discuter et d’explorer la possibilité de mettre en place un mécanisme pour la facilitation de l’investissement, similaire au Mécanisme pour l’Accord sur la facilitation des échanges, afin de coordonner les contributions volontaires destinées à soutenir la mise en œuvre de l’Accord FID. Cependant, certains Membres se méfient de l’idée que l’OMC devienne de plus en plus responsable de la coordination des contributions financières, et soutiennent que des organisations internationales mieux adaptées, telles que la Banque mondiale, devraient se charger de cette coordination. D’autres Membres affirment que le secrétariat de l’OMC doit gérer le mécanisme afin de garantir que les ressources consacrées au renforcement des capacités soient dédiées et bien adaptées au soutien de la mise en œuvre de l’Accord. Il sera intéressant de voir comment cette question sera résolue si l’Accord devient opérationnel et une fois que le comité aura engagé la discussion.
Les aspects non résolus du texte de négociation et les prochaines étapes
Les co-coordonnateurs espéraient initialement que le texte juridique serait finalisé à la fin de l’année 2022. Cette échéance a été repoussée à juillet 2023 et est désormais respectée. Si la finalisation du texte constitue une étape importante, elle ne signifie pas pour autant la fin du processus. Après la pause estivale, les participants entameront une nouvelle phase en se concentrant sur trois pistes de travail.
Si la finalisation du texte constitue une étape importante, elle ne signifie pas pour autant la fin du processus.
La première consiste à s’attaquer à la question de l’architecture juridique, c’est-à-dire à trouver un moyen d’incorporer juridiquement l’Accord FID dans l’architecture existante des traités de l’OMC. Les Membres se sont mis d’accord sur des principes pour orienter leur approche de cette question. Ils souhaitent intégrer l’Accord dans l’architecture juridique de l’OMC, de préférence sous la forme d’un accord autonome, et conviennent que les mesures devraient s’appliquer horizontalement à tous les secteurs (services et autres). Ils sont également favorables à un accord ouvert, de sorte que ses avantages puissent être étendus à tous les Membres de l’OMC (même s’ils ne sont pas signataires) et souhaitent qu’il soit ouvert à l’adhésion.
Sur la base de ces principes directeurs, les Membres sont susceptibles d’envisager deux options juridiques pour l’incorporation. La première consiste à incorporer l’Accord FID en tant qu’accord multilatéral au titre de l’annexe 1 de l’Accord de Marrakech instituant l’OMC. Cette option exigerait que tous les Membres de l’OMC, même ceux qui ne participent pas au processus actuel, signent l’Accord FID. La seconde option (et peut-être la plus politiquement réalisable des deux) consiste à incorporer l’Accord FID en tant qu’accord plurilatéral dans le cadre de l’annexe 4 de l’Accord de Marrakech. Dans ce cas, les obligations et les avantages ne s’appliqueraient qu’aux signataires. Bien que cela ne soit pas obligatoire, conformément aux principes directeurs, les signataires peuvent étendre les avantages de l’Accord FID aux non-signataires, sans les obligations qui en découlent. Le seul avantage qui ne serait pas ouvert est le droit de recours au règlement des différends.
Toutefois, la mise en œuvre de l’une ou l’autre de ces options nécessite le consensus de tous les Membres de l’OMC. Il sera probablement difficile d’obtenir ce soutien, étant donné que certains non-participants, tels que l’Inde et l’Afrique du Sud, se sont opposés à l’Accord. Ils remettent depuis longtemps en question la base juridique des initiatives conjointes à l’OMC et affirment que les initiatives plurilatérales sont devenues une distraction, détournant l’attention des Membres du mandat multilatéral consistant à conclure les négociations sur le Programme de Doha pour le développement.
Pour résoudre la question de l’architecture juridique, les co-coordonnateurs ont souligné que « la sensibilisation et le dialogue étroit avec l’ensemble des Membres de l’OMC – et notamment avec les non-participants – passeront sur le devant de la scène » au cours de cette prochaine phase. Il reste à voir si ces efforts de sensibilisation permettront de recueillir l’adhésion nécessaire à l’une ou l’autre des deux options, en particulier à l’approche de la 13ème Conférence ministérielle.
Le deuxième volet des travaux se concentrera sur le processus de vérification juridique, dans le cadre duquel les Membres peuvent procéder à des ajustements textuels techniques pour assurer la clarté et la cohérence de l’Accord, mais aussi avec les accords existants de l’OMC. Par exemple, les Membres évalueront certains amendements qui devraient être apportés en fonction de l’option d’incorporation dans l’architecture juridique qui sera finalement choisie. Ils discuteront également de l’ajout de certaines « dispositions finales » qui peuvent contribuer à incorporer l’Accord FID dans l’architecture juridique de l’OMC. De nouvelles dispositions sur les procédures d’adhésion, d’amendement et de retrait sont envisagées. Le libellé de ces dispositions dépendra également du choix final s’agissant de l’architecture juridique.
Le dernier axe de travail se concentrera sur les pays en développement et les PMA Membres et les encouragera à réaliser des évaluations de leurs besoins qui peuvent s’avérer utiles pour le processus d’établissement des calendriers du TSD. Un guide d’auto-évaluation qui a été partagé permettrait aux Membres intéressés de déterminer dans quelle mesure leur cadre réglementaire national est déjà conforme aux mesures énoncées dans l’Accord FID. Cette analyse pourra ensuite être utilisée pour classer et programmer les dispositions dans le cadre du processus du TSD. Le secrétariat de l’OMC coordonne ce soutien afin de comprendre quels Membres souhaitent réaliser une auto-évaluation de leurs besoins et s’ils requièrent un soutien financier pour ce faire. Il est important d'entamer ce dernier volet le plus tôt possible. Ces pays devraient, au minimum, engager des consultations internes, en particulier avec leurs homologues des agences d'investissement, afin de comprendre les implications de la mise en œuvre et la manière dont l'accord s'inscrirait dans leur stratégie plus large en matière d'accords de commerce et d'investissement.
Bien que la conclusion du texte de négociation de l’Accord FID soit une réalisation importante, les participants entrent dans une nouvelle phase difficile étant donné la nécessité de s’attaquer à la question délicate de l’architecture juridique. Il reste à voir si l’adhésion des non-participants peut être assurée, afin de pouvoir incorporer juridiquement l’Accord FID dans la structure existante des traités de l’OMC.
Rashmi Jose est conseillère politique principale à l’IISD.
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