Le président Simon Manley tente de donner un nouveau souffle au Comité du commerce et de l’environnement
Simon Manley, le nouveau président du Comité du commerce et de l’environnement de l’OMC, vise à donner plus de place aux voix des pays en développement et à atteindre les objectifs environnementaux grâce à des discussions ouvertes et honnêtes entre toutes les parties. Jennifer Freedman, l’éditrice en chef du magazine Trade and Sustainability Review de l’IISD, s’entretient avec M. Manley pour mieux comprendre ses priorités pour l’année.
Les populations et les gouvernements du monde entier sont plus conscients que jamais de la nécessité urgente de faire face aux défis environnementaux et nous pouvons donc attendre un intérêt encore plus grand pour les travaux du Comité du commerce et de l’environnement (CCE) de l’Organisation mondiale du commerce (OMC). Simon Manley, le président du comité et ambassadeur britannique auprès des Nations Unies à Genève, s’est fixé la tache ambitieuse de revigorer les discussions du CCE pendant son mandat d’une année.
Le CCE jouit d’une « position unique » pour mettre l’accent sur le rôle du système commercial mondial dans la lutte contre les problèmes environnementaux, notamment « la relation entre le commerce et les principaux défis environnementaux de notre époque : le changement climatique, la perte de biodiversité et la pollution », a indiqué M. Manley dans un entretien. « S’il est vrai que les comités de l’OMC ne sont pas toujours connus pour leur dynamisme, depuis quelques années, le CCE a gagné en visibilité et en activité. J’espère poursuivre cet élan ».
Le CCE jouit d’une « position unique » pour mettre l’accent sur le rôle du système commercial mondial dans la lutte contre les problèmes environnementaux, notamment « la relation entre le commerce et les principaux défis environnementaux de notre époque : le changement climatique, la perte de biodiversité et la pollution ».
L’un des principaux éléments de sa stratégie repose sur la Semaine du commerce et de l’environnement de l’OMC, qui examine les questions clés pour le commerce et l’environnement et peut encourager un engagement plus large des parties prenantes lors des réunions du CCE. À l’instar des années précédentes, ce forum mondial à grande échelle, prévu à l’automne, présentera des événements et des ateliers menés par les membres de l’OMC, des données d’expérience sur la manière de rendre les échanges mondiaux plus durables, résilients et inclusifs, et permettra aux participants d’échanger des idées quant au rôle du commerce et de l’OMC dans la reconstruction d’un monde meilleur et plus vert après la crise de la COVID-19.
« Il s’agit d’une opportunité précieuse pour les parties prenantes d’organiser des sessions d’information à l’intention des délégations », a indiqué M. Manley. « Je m’attends également à ce que plusieurs sessions du Forum public 2022 de l’OMC portent sur la durabilité et l’environnement ; là encore, il s’agit d’un moyen important d’engager les parties prenantes ».
Les pays en développement : un élément vital de la discussion
Si M. Manley n’est pas un spécialiste de l’environnement ou du commerce, ses plus de trente années d’expérience au service diplomatique lui ont appris « le pouvoir de l’écoute ». En tant que président du CCE, il a donc l’intention d’écouter attentivement, et souhaite notamment entendre les voix des pays en développement.
« Plus les discussions ou les négociations seront inclusives, plus les résultats seront robustes », a-t-il indiqué. « L’une de mes priorités est d’encourager une plus grande participation des pays en développement et de leur donner une voix. J’ai déjà commencé à consulter les membres de toutes tailles et régions pour mieux comprendre leurs priorités et préoccupations ».
Il a souligné que les pays en développement avaient réalisé une « contribution cruciale » à la 26ème Conférence des parties à la Convention-cadre des Nations Unies sur les changements climatiques (COP26), et il espère que cette tendance se poursuivra lors de la COP27, qui aura lieu du 7 au 18 novembre 2022 à Sharm el-Sheikh en Égypte, la première COP organisée en Afrique.
Je veux insister sur le fait que ma porte est toujours ouverte. J’encourage les délégations à prendre contact à tout moment pour me faire part de leurs idées et de leurs priorités.
M. Manley a indiqué que « l’élément le plus important pour prendre en compte les points de vue des pays en développement est de veiller à ce qu’ils fassent partie des discussions, et de faire connaître leurs défis et priorités. C’est là un rôle clé du CCE, et, ces dernières années, nous avons connu une participation accrue des pays en développement. Par exemple, les délégations du Bengladesh et des Maldives ont partagé leurs données d’expérience nationale en lien avec la production durable de jute et de thon, respectivement. Je souhaite encourager cela, notamment le partage d’études de cas ».
De nombreux pays en développement ont du mal à prendre une part significative aux réunions formelles du CCE car leurs équipes à Genève sont limitées et n’ont pas forcément le temps, a-t-il ajouté. « En tant que président, je veux insister sur le fait que ma porte est toujours ouverte. J’encourage les délégations à prendre contact à tout moment pour me faire part de leurs idées et de leurs priorités ».
M. Manley s’efforce également de renforcer le rôle du CCE dans la mise à jour de l’ensemble des 164 membres de l’OMC quant aux travaux menés dans le cadre de trois initiatives environnementales de l’organe commercial : les discussions structurées sur le commerce et la durabilité environnementale (TESSD), le dialogue informel sur la pollution par les plastiques et le commerce de plastiques écologiquement durables (DIP) et la réforme des subventions aux combustibles fossiles.
« Je souhaite renforcer cette fonction, car je sais qu’elle est très précieuse pour de nombreux membres », a-t-il expliqué.
S’il a souligné que « le CCE est le forum multilatéral permanent » dédié au dialogue des gouvernements sur le commerce et l’environnement, M. Manley considère que le comité permet d’obtenir de nouvelles perspectives sur les questions discutées dans le cadre d’initiatives informelles telles que les TESSD ou le DIP qui « représentent une nouvelle manière de travailler à l’OMC ». Par exemple, le CCE peut présenter ces questions à l’ensemble des membres de l’OMC et susciter un dialogue donnant lieu à différents points de vue.
Le commerce et l’environnement passent au-devant de la scène
Le diplomate britannique « se félicite » du changement politique qui a permis de mettre le commerce et l’environnement au-devant de la scène. Selon lui, cela s’explique notamment par le fait qu’« il existe maintenant une reconnaissance (quasi-) universelle du fait que le changement climatique se produit à un rythme alarmant. Nous faisons face à une menace si grande pour notre planète que les décideurs politiques et les experts ont commencé à examiner la question sous tous les angles, y compris l’angle commercial. Nous n’avons rien à gagner à aborder la politique commerciale et le climat/l’environnement en silo ».
Cela s’explique également par le fait que les consommateurs sont de plus en plus préoccupés par l’environnement et veillent de plus en plus à ce que les produits qu’ils achètent ne contribuent pas au réchauffement climatique, à la perte de biodiversité ou à la pollution. « Par conséquent, la pression en faveur de plus de transparence quant à la manière dont les biens sont produits, emballés et transportés tout au long de la chaîne de valeur s’accroît », a indiqué M. Manley. « Les entreprises veulent répondre aux besoins des consommateurs, et elles voient également une opportunité de croissance dans le changement vers une production respectueuse du climat et durable. La transition vers l’énergie verte par exemple, représente une opportunité économique pour les entreprises vertes innovantes ».
Selon Manley, « cette tendance représente également une opportunité pour l’OMC de jouer un rôle crucial en facilitant le dialogue sur le type de mesures commerciales qui peuvent aider les membres à atteindre leurs objectifs climatiques et environnementaux, et à veiller au fonctionnement efficace du système commercial mondial ».
Convaincre les sceptiques
Mais tout le monde n’est pas convaincu que les diverses initiatives environnementales à l’OMC visent autant à atteindre des objectifs environnementaux qu’à tout simplement accroître les échanges. Si ces initiatives partagent l’objectif de veiller à ce que le commerce et l’OMC contribuent à la lutte contre la dégradation environnementale et le changement climatique, certains sceptiques affirment que le programme de libéralisation commerciale de l’OMC alimente la dégradation environnementale mondiale. D’autres, tels que Steve Charnovitz de la faculté de droit de l’Université George Washington, arguent que « l’absence quasi-totale » de transparence et de la participation des parties prenantes à l’OMC signifie que ce n’est pas le forum approprié pour résoudre les problèmes environnementaux.
D’après la Washington International Trade Association, « pour éviter un conflit contreproductif au sujet de mesures commerciales liées au climat, nous devons mener d’importantes discussions constructives à l’OMC pour veiller à ce que les mesures commerciales adoptées, et les échanges en général, contribuent efficacement aux ambitions transatlantiques en matière de changement climatique, mais également à ce que leurs effets commerciaux soient bien calibrés ».
Voilà ce qu’en pense M. Manley :
« Évidemment, les membres de l’OMC veulent améliorer les opportunités commerciales, notamment sur le marché des biens et services environnementaux qui présente un important potentiel inexploité. La difficulté consiste à ne pas perdre de vue les résultats environnementaux que nous recherchons en nous focalisant de trop sur les résultats commerciaux ».
« Des discussions honnêtes et ouvertes »
Veiller à ce que le commerce soit une force au service du bien et de la réalisation des objectifs environnementaux exige « des discussions honnêtes et ouvertes entre toutes les parties », a-t-il ajouté. « Nous voulons éviter que nos efforts en faveur de l’environnement ne créent des obstacles injustifiés au commerce et un protectionnisme traditionnel déguisé en intérêt environnemental. Ce protectionnisme déguisé en intérêt environnemental entraîne non seulement une distorsion des échanges et de l’activité économique, mais il peut également saper les objectifs environnementaux ».
Il pense que l’OMC dispose des outils nécessaires pour atteindre un juste équilibre. Allant à l’encontre de l’argument de M. Charnovitz, M. Manley affirme que les mesures commerciales liées à l’environnement sont transparentes à l’OMC. Il existe également « un soutien en faveur de l’harmonisation, qui facilite le commerce tout en encourageant une protection environnementale plus importante, des forums pour aborder les effets involontaires sur les échanges ou pour contester les obstacles déguisés et injustifiés au commerce, ainsi qu’une instance pour négocier de nouvelles règles commerciales en ligne avec les objectifs environnementaux, si c’est la direction que les membres souhaitent prendre ».
Nous voulons éviter que nos efforts en faveur de l’environnement ne créent des obstacles injustifiés au commerce et un protectionnisme traditionnel déguisé en intérêt environnemental.
Simon Manley travaille sans relâche depuis sa nomination à la présidence du CCE le 24 février, car il doit également combiner ses devoirs d’ambassadeur auprès des Nations Unies et d’autres organisations internationales. Il est aussi marié, à des enfants et un chien, ce qui ne laisse peu de place pour les loisirs.
Pourtant, il ne fait pas que travailler. « Comme l’on peut s’y attendre du président du CCE, j’aime la nature, en particulier les jardins et le jardinage » indique-t-il. « Et j’adore découvrir la magnifique campagne suisse, avec ses charmantes villes et localités ».
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